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des prix à travers les variations accidentelles auxquelles toutes les valeurs commerciales sont sujettes, l’effet général est tellement marqué, tellement sensible dans les pays qui ont adopté la pratique des restrictions douanières, qu’il est impossible de le méconnaître. Voyez, par exemple, ce qui est arrivé en France pour les bestiaux. Avant l’année 1822, les bœufs maigres entraient dans notre pays en toute franchise ; pour les bœufs gras, le droit d’importation n’était que de 18 fr. par tête. À cette époque, le droit fut élevé à 50 fr., plus le décime, pour les bœufs gras, et plus tard, en 1826, ce même droit fut appliqué sans distinction à toute espèce de bœufs. Qu’est-il résulté de cette aggravation successive de nos tarifs ? Une hausse correspondante dans les prix, hausse progressive jusqu’à ce jour, et dont nous ne voyons peut-être pas encore le terme. Il y a quelques années, les marchands bouchers de Lyon faisaient ressortir énergiquement cette vérité de fait dans une pétition adressée à la chambre des pairs et rapportée en 1840. Ils constataient que le prix de chaque bœuf, qui était, en 1822, de 48 à 52 francs les 50 kilogrammes, s’était élevé progressivement, sur les marchés de Lyon, à 75 francs. A la même époque, les marchands bouchers de Paris faisaient entendre des plaintes semblables. « Si l’on compare, disaient-ils, le prix d’achat de la viande sous la législation actuelle avec celui qui existait antérieurement à 1822, on trouve facilement que la classe ouvrière la paie 15 centimes de plus par demi-kilogramme qu’à l’époque dont nous parlons. » Il a été constaté, en outre, que dans le même espace de temps le prix moyen des adjudications en viande de boucherie pour les hôpitaux de Paris s’est élevé de 66 centimes et demi le kilogramme à 1 franc 4 centimes. Tous ces faits si concluans ont été d’ailleurs confirmés par le témoignage de M. le ministre du commerce. « Lorsqu’en 1821, disait M. le ministre, le bœuf de 350 kilogrammes valait 315 francs, le bœuf de 327 kilogrammes vaut en ce moment, sur le marché de Paris, 382 fr.[1], » différence énorme, au moins égale à la différence des droits.

Le prix des blés étant excessivement variable en raison de l’abondance variable des récoltes, il est plus difficile de faire sur cette denrée des comparaisons exactes. Voici pourtant quelques données. On sait que la loi du 16 juillet 1819 est la première qui ait mis, en France, des restrictions à l’importation des blés étrangers, restrictions que les lois du 7 juin 1820 et du 4 juillet 1821 vinrent ensuite aggraver. Eh bien ! dans les Archives statistiques publiées en 1839 par le ministre du commerce,

  1. Discours prononcé par M. le ministre du commerce dans la séance de la chambre des pairs du 27 mai 1841. Le ministre disait encore : « Le prix de la viande a augmenté considérablement en France ; l’élève des bestiaux n’a pas augmenté dans la même proportion. » — « Il y a plus, l’industrie des éleveurs est peut-être aujourd’hui moins avancée qu’elle ne l’était autrefois. » Observation juste, sauf le peut-être, qui est de trop.