Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 18.djvu/457

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

des lois restrictives, malgré tant d’autres circonstances favorables, malgré la supériorité de nos lois civiles et politiques, l’agriculture végète. Voilà ce que l’expérience nous montre, voilà les faits.


III.

L’effet immédiat et trop certain des lois qui restreignent l’importation des denrées étrangères est d’exhausser d’une manière artificielle le prix de ces mêmes denrées à l’intérieur. Déjà, par le cours naturel des choses, ainsi qu’on vient de le voir, ces denrées se vendent, dans les pays tels que le nôtre, à des prix plus élevés que dans les pays pauvres. C’est une circonstance fâcheuse à certains égards pour les populations de nos contrées, à qui elle rend l’existence plus chère. Toutefois, quand cette cherté est renfermée dans ses limites naturelles, elle doit être considérée plutôt comme un signe favorable, puisqu’elle coïncide alors avec un accroissement général de la richesse, dont elle est à la fois la conséquence et le symptôme ; mais lorsque, par des lois restrictives, on entrave à la frontière l’importation des produits étrangers, on aggrave cette cherté première : on ajoute à la hausse naturelle une hausse factice, et, comme cette nouvelle aggravation des prix n’est plus justifiée ni compensée par l’accroissement général des ressources, les populations en supportent tout le poids.

Que les lois restrictives de l’importation aient pour conséquence nécessaire d’exhausser la valeur vénale des produits agricoles à l’intérieur, c’est une vérité qu’il est également facile d’expliquer et de prouver. L’explication en ressort déjà clairement de tout ce qui précède. On a vu, en effet, que, par la force même des choses, il existe au profit des cultivateurs placés près des grands centres de consommation et dans les pays très peuplés une sorte de privilège relatif, qui leur permet de vendre en tout temps leurs denrées à plus haut prix. Quand le commerce est libre, ce privilège est tempéré dans une certaine mesure par la concurrence des cultivateurs plus éloignés, qui peuvent apporter leurs denrées sur les mêmes lieux, bien qu’avec des conditions moins favorables et en subissant la charge des frais de transport ; mais si l’on supprime cette concurrence lointaine, ou du moins si on la rend plus difficile et plus onéreuse, en ajoutant aux frais de transport déjà considérables la charge des droits payés à la frontière, on renforce le privilège des producteurs locaux, on convertit même par occasion ce privilège relatif en monopole étroit, et dans tous les pays du monde un tel régime porte aussitôt ses fruits. Au reste, cette vérité de doctrine est si bien prouvée par l’expérience, qu’il n’est guère permis de la mettre en doute.

S’il est difficile de suivre toujours pas à pas le progrès de cet exhaussement