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être vérifiés sans peine, car ils sont encore sous nos yeux. Depuis que les lois restrictives sont en vigueur en France, c’est-à-dire depuis les premières années de la restauration, l’exportation des produits agricoles y a constamment décru, tandis que l’importation n’en suivait pas moins son cours. Nos lins, nos chanvres, nos huiles, qui s’écoulaient autrefois en abondance au dehors, ne sont plus de mise nulle part, et ce n’est qu’accidentellement que nous en faisons l’objet d’une exportation toujours chétive. Il en est de même pour nos bestiaux[1], de même encore pour nos chevaux ; il n’est pas jusqu’à nos vins dont les envois au dehors n’aient considérablement faibli : on ne le sait que trop, et les justes plaintes de nos départemens méridionaux ont assez souvent retenti dans toute la France. Sur une exportation en produits français de 790 millions pour 1844, les produits du sol ne figurent que pour une somme de 189 millions, c’est-à-dire 24 pour 100 de la totalité, tandis que, sur une importation de 867 millions, ces mêmes produits figurent pour 813 millions, ou environ 94 pour 100, tant il est vrai que notre agriculture recule de toutes parts, au dedans comme au dehors. C’était bien pis en Angleterre sous l’empire de cette législation violente et spoliatrice qui vient heureusement de disparaître. Là, comme les restrictions douanières étaient encore plus sévères qu’en France, l’exportation des produits agricoles avait non-seulement décru, mais presque entièrement cessé. Depuis long-temps, en effet, en produits agricoles, l’Angleterre n’exporte rien, sauf les laines de ses troupeaux, qui, par des causes particulières, font à cet égard exception, car il faut à peine compter quelques chevaux de race ou quelques taureaux d’élite qu’on

  1. Dans la pétition des marchands bouchers de Paris, que nous avons mentionnée tout à l’heure, il est dit que la rareté du bétail en France est augmentée par les exportations. Les pétitionnaires avancent qu’en 1837 il est entré en France 4,000 bœufs seulement, tandis qu’il en est sorti 10,000. Nous croyons qu’ils se trompent, ou du moins qu’ils présentent les choses d’une manière incomplète. Nous n’avons pas sous les yeux les tableaux de la douane pour l’année 1837, mais voici les données exactes pour 1844. Dans cette année, il n’est entré en France, selon les tableaux de la douane, que 5,471 bœufs, tandis qu’il en est sorti 5,742 : d’après cela, l’exportation excéderait un peu l’importation ; mais il ne faut pas omettre de dire que, dans cette même année, la France a reçu de l’étranger 4,945 vaches, 3,356 taureaux, 2,900 génisses et 17,646 veaux, tandis qu’elle n’a expédié au dehors que 2,091 vaches, 178 taureaux, 101 génisses et 2,059 veaux. En outre, cette prétendue exportation de 5,742 bœufs n’est pas sérieuse. Sur ce nombre, 4,435 bœufs sont portés dans les tableaux comme expédiés pour l’Angleterre ; le fait est qu’ils ont été transportés tout simplement dans les îles Jersey et Guernesey, îles placées effectivement sous la domination anglaise, mais régies par une législation spéciale, et si voisines des côtes de France, si détachées du reste de l’Europe, qu’elles peuvent être considérées comme faisant partie du territoire français. On ne peut pas appeler cela une exportation réelle, pas plus que les Espagnols ne seraient autorisés à dire qu’ils exportent ce qu’ils vendent pour l’approvisionnement de Gibraltar. Bien envisagée, l’importation de 1844 en bêtes à cornes excède de beaucoup, comme on le voit, l’exportation, qui, par le fait, est presque nulle.