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a quelque chose de raide et de guindé ; l’Anne d’Autriche de M. Ramus respire l’emphase ; la Marie de Médicis de M. Caillouet est d’une insignifiance parfaite. Quant à l’Anne de Beaujeu de M. Gatteaux, je renonce à la caractériser ; je me demande comment un pareil travail a pu être confié à un homme qui paraît ignorer jusqu’aux premiers élémens de son art. L’Anne de Beaujeu est tout simplement une tête au bout d’une gaîne ; ce n’est pas une statue. Le marquis de La Place, de M. Auguste Barre, est sagement conçu, et l’exécution est assez habile ; mais la tête pourrait avoir un caractère plus idéal. L’homme illustre à qui nous devons la Mécanique céleste ne se présente jamais à notre pensée avec cette physionomie prosaïque. Quels que soient les documens mis à la disposition de M. Barre, il devait donner à son modèle plus d’élévation, plus de grandeur : pour une statue de La Place, la réalité ne suffit pas. Le Christ au tombeau de M. Bion se compose de deux parties distinctes, ou plutôt manifestement contradictoires. La tête et le torse s’accordent avec le caractère du personnage ; quant aux membres, je n’en puis dire autant : les membres, en effet, appartiennent à un homme plein de vigueur et de santé. C’est une faute grave que M. Bion fera bien de corriger avant de placer sa statue dans la chapelle d’Arras. Le buste du révérend père Lacordaire, par M. Bonnassieux, est d’une sécheresse difficile à comprendre pour tous ceux qui ont vu le modèle aux conférences de Notre-Dame. Les cheveux ressemblent à des lanières ; les lèvres sont taillées dans le bois ; l’œil n’exprime ni la méditation ni la foi c’est un ouvrage médiocre et plein de prétention. Il y a du naturel, de la vérité dans le groupe de deux chartreux de M. Pascal. Ce groupe rappelle ingénieusement la sculpture du XIVe siècle. Deux médaillons de M. Bovy se distinguent par une grande fermeté de modelé. Le portrait de M. Arago est d’un beau caractère ; la physionomie respire à la fois l’énergie et l’intelligence. Quant au portrait de Mme de R., c’est à coup sûr une des œuvres les plus gracieuses qui se puissent rencontrer. Le visage est d’une jeunesse, d’une douceur qui ne laisse rien à désirer ; les cheveux ont une grace, une souplesse qui reporte la pensée aux monumens de l’art grec. M. Maindron avait envoyé un groupe d’Attila et sainte Geneviève, dont la composition est bien conçue, et que le jury a refusé. La moitié des ouvrages exposés au Louvre mériteraient certainement plus de reproches que le groupe de M. Maindron ; tous ceux qui l’ont vu dans l’atelier de l’auteur partagent mon opinion. Si le jury, en écartant l’Attila de M. Maindron, a voulu protester contre l’abandon des doctrines académiques, c’est de sa part un entêtement puéril que nous ne saurions excuser. Je regrette vivement que M. Barye n’ait pas envoyé au Louvre le lion qu’il vient de terminer pour le jardin des Tuileries. Il y a dans cette œuvre nouvelle une grandeur, une simplicité, qui la placent fort au-dessus du lion de bronze que