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soin. Pour revenir à la question capitale des chemins de fer, il : appartient à l’état, à ses représentans, de donner le plus tôt possible aux compagnies les moyens de reprendre avec vigueur des travaux qui sont aujourd’hui une des principales conditions des développemens du commerce et de l’industrie.



REVUE LITTÉRAIRE
LE THEÂTRE. – LES LIVRES.

Il ne saurait y avoir entre l’art et le monde ni alliance absolue, ni rupture complète. Asservi aux conditions factices de la vie de salon, l’art risquerait de se maniérer et de s’amoindrir ; mais, en restant trop en dehors de cette influence que la société polie doit exercer autour d’elle, il s’expose à perdre ce sentiment des convenances et des mesures que rien en France ne peut remplacer. Il suffit de jeter les yeux sur la plupart des productions contemporaines, pour y reconnaître l’absence de cet enseignement des mondains lettrés, qui, sans prétendre à aucune initiative, pourrait du moins corriger et assouplir ce que les imaginations vigoureuses ont de raide et d’indompté. Que de fois, en lisant les plus beaux livres de la littérature actuelle, en coudoyant les renommées les plus bruyantes de notre époque, nous avons retrouvé la trace de certaines habitudes bohémiennes, au lieu de ce léger parfum de bonne compagnie qui une gâte jamais rien à ce qu’il touche ! Que de fois, au milieu de pages pleines de passion ou de rêverie, un mot malencontreux, une fausse note, sont venus arrêter le doux entraînement de notre lecture et nous prouver que l’auteur connaissait mieux le pays des chimères que celui des réalités ! Qui sait même si cette ignorance, cet éloignement volontaire, n’ont pas contribué pour beaucoup à ces bizarres écarts dont nos hommes célèbres nous donnent trop souvent le triste spectacle, et qui sont plutôt des inconvenances que des fautes ? Nous le croyons sincèrement : nos artistes ont eu tort de vivre trop entre eux, de se créer à eux-mêmes un monde singulier qu’ils habitent en insulaires, et qu’ils peuplent au gré de leur humeur et de leurs caprices. Qu’en arrive-t-il ? Lorsque cette société qui goûte leurs ouvrages veut faire connaissance avec leurs personnes, il y a méfiance réciproque ; on s’aborde avec une sorte de sauvagerie dénigrante ou de curiosité moqueuse. Au lieu de recevoir quelques leçons utiles en échange des jouissances qu’ils donnent, au lieu de rétablir ces relations amicales dont on profiterait de part et d’autre, les artistes ne s’occupent qu’à poser, comme des êtres exceptionnels, devant un public plus amusé que sympathique, ou à recueillir précipitamment quelques traits épars, inexacts, dont ils feront plus tard des caricatures blessantes.

Il serait donc opportun peut-être que les gens du monde, ceux du moins qui se trouvent, par hasard ou par goût, mêlés aux incidens journaliers de notre histoire littéraire, entreprissent, chacun pour sa part, et dans cette prudente mesure qu’ils doivent indiquer par leurs conseils comme par leurs exemples, de renouer les communications interrompues, de réconcilier ces deux élémens divers, mais non pas hostiles, enseignant ici ce goût des choses de l’esprit qui est la plus exquise des civilisations, prêchant là cette observation des lois sociales,