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qui n’ont nul rapport entre eux. Il semble que, le récit poétique étant un moyen de fixer la mémoire, on s’en soit servi, comme d’un registre, pour inscrire pêle-mêle tout ce qu’il importait de ne pas oublier. Les premiers livres de tous les peuples sont des espèces d’encyclopédies. On y trouve comme un résumé de toutes les connaissances existant à l’époque où ils furent écrits. Cette confusion est encore plus marquée dans les mythes de la Grèce, et il est rare que la même légende ne réunisse des notions d’astronomie, de physique, de religion, d’histoire, de métaphysique et de morale. Prenons un exemple pour rendre plus sensible ce mélange hétérogène. Je choisirai le mythe d’Hercule comme un des plus connus. La plupart des antiquaires sont d’accord pour voir dans les douze travaux d’Hercule des allusions astronomiques. A un certain point de vue, le fils de Jupiter et d’ Alcmène est identifié avec le soleil, et, pour parler le jargon de l’archéologie moderne, c’est un héros solaire. — Ce héros solaire devient le captif d’Omphale. Il s’habille en femme et file de la laine, tandis que sa maîtresse se revêt de la peau de lion et porte la massue. Nouvel aspect de la légende, où l’on peut chercher un sens cosmogonique et religieux. — Ailleurs Hercule est un symbole de la fécondité, un dieu bienfaiteur ; lorsque dans son combat avec Acheloüs il ravit au fleuve la corne d’abondance. — Destructeur des monstres, protecteur des opprimés, passant toute sa vie au milieu d’épreuves et de dangers continuels, Hercule sera encore le prototype du courage et de la vertu. Braver les périls et la souffrance par amour de la gloire, tel fut le choix d’hercule, disaient les philosophes de l’antiquité en le proposant pour modèle. — Maintenant n’est-il pas probable qu’à ces voyages d’Hercule, où nous avons vu tout à l’heure une allégorie du cours du soleil, se lient quelques souvenirs d’anciennes expéditions maritimes ? Dans le combat du héros contre Albion et Bergius en Ligurie, il n’est pas difficile de deviner une allusion aux anciens démêlés des marchands ou des pirates grecs et phéniciens avec les peuples de la Gaule. D’autres aventures tirées du même cycle portent encore plus décidément le caractère historique. Nous avons déjà parlé de la guerre des Thébains contre Orchomène : Hercule, dit la légende, ruina les Orchoméniens en obstruant les émissaires du lac Copaïs, les fameux catabothra, gigantesques travaux dont on reconnaît encore les vestiges. En présence de ces ruines prodigieuses, il est impossible de douter que les mythes ne contiennent une notable portion de réalité historique. Rattacher toutes les grandes traditions à un nom populaire est une pratique ancienne et qui ne s’est pas perdue de nos jours. Aujourd’hui le peuple attribue à César tous les travaux des Romains ; Charlemagne concentre sur lui seul toutes les traditions du moyen-âge.

Amalgame de notions différentes, la mythologie s’est encore embrouillée