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REVUE MUSICALE




DE LA SYMPHONIE ET DE LA MUSIQUE IMITATIVE EN FRANCE.
MM. BERLIOZ ET F. DAVID.




Le mouvement musical qui s’accomplit sous nos yeux depuis quelques années mérite qu’on l’examine de près. L’apparition successive de formes insolites de l’art, de ces symphonies étranges qui mêlent et confondent tous les élémens de la composition, ne s’explique, comme on serait tenté de le croire d’abord, ni par l’entraînement fortuit d’un caprice individuel, ni par un engouement passager. Il faut y voir, au contraire, l’indice d’une disposition générale des esprits, la conséquence d’une évolution intellectuelle qu’il importe de caractériser en quelques mots.

On l’a dit bien souvent : c’est par la clarté des idées, par la rectitude et la promptitude de ses jugemens, que la France se distingue surtout en Europe. Vive, ingénieuse et puissante dans le domaine de la réalité, et lorsqu’il s’agit d’atteindre un but défini et prochain, elle n’aime guère à s’aventurer par-delà l’horizon qui borne son regard. Elle observe et voit bien ce qui est, elle déduit avec rigueur toutes les conséquences possibles d’un principe, elle marche avec intrépidité et, quoi qu’il arrive, jusqu’au bout d’un syllogisme ; mais l’enthousiasme qui déborde, la rêverie, la mélancolie, la fantaisie, tous les élans vers l’idéal, toutes les aspirations vers l’infini, la France ne les comprend pas ou les comprend peu. L’amour même, en ses divins transports, la trouve rarement disposée à s’éloigner des régions tempérées d’une galanterie plus sensuelle que morale. Aussi l’art de la France, qui brille par tant de qualités éminentes d’ordre, de clarté et de vérité logique, manque-t-il un peu de profondeur et de cette sensibilité féconde que rien ne peut remplacer. Il satisfait bien plus la raison que le sentiment, il éclaire plus qu’il n’échauffe, il s’adresse moins à l’intuition