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étant militaire à son tour, le bâtiment et celui qui le monte courent, sans exception, toutes les chances des guerres dans lesquelles peut être engagé le pays, et de là résulte pour celui-ci l’obligation de pourvoir à la sûreté de sa marine marchande. Il la remplit au loin par ses escadres, et, sur ses propres côtes, par des travaux défensifs appropriés à la nature des lieux. L’histoire des guerres passées montre les marines ennemies établies dans la Méditerranée concentrant toujours leurs agressions sur la côte de Provence ; il en sera de même dans les guerres à venir. Les alluvions sous-marines du Rhône et des rivières qui descendent des Cévennes et de la montagne Noire s’étendent depuis le port de Bouc jusqu’au-delà de l’embouchure de l’Aude. Sur ce long espace, la violence des vents conspire avec la continuité des hauts fonds contre tout navire qui s’approche, même avec précaution, du rivage ; l’ennemi qui le menacerait de trop près serait un ennemi perdu. Reste Port-Vendre, dont l’atterrage est sûr et facile ; mais, pour s’y maintenir, il faut être maître de toutes les montagnes environnantes, et ce port, dont Vauban recommandait avec raison l’heureuse position, refuse à d’autres que nous les avantages qu’il nous offre. Du Rhône aux Pyrénées, la côte se défend donc par elle-même, et celle du Rhône aux Alpes doit demeurer le but unique et constant des entreprises de l’ennemi ; elle a, en effet, les défauts inhérens à ses qualités, et, sans les secours de l’art, elle ne présenterait guère d’abri naturel qui ne fût un point vulnérable. Quand les travaux projetés pour la défense de la rade de Toulon seront terminés, la sûreté du cœur de notre établissement maritime sera complète ; mais nous aurons encore à mettre à l’abri de l’insulte le golfe de Marseille, vers lequel convergent incessamment tant de milliers de navires, et à préserver d’une occupation temporaire les rades de la Ciotat, d’Hyères, du golfe Jouan. Les progrès qu’a faits l’artillerie depuis la paix rendent aujourd’hui cette tâche facile ; la portée et la justesse du tir se sont en même temps accrues, et l’emploi des boulets creux rend plus inégales que jamais les chances du combat entre les batteries de terre et les vaisseaux ; les coups reçus par les unes ne leur causent qu’un faible dommage, et un seul de ceux qu’attend le navire suffit pour le couler. Il n’est pas de batterie de côte qui revienne au dixième du prix du vaisseau de ligne qui succomberait devant elle. Quand il en coûte si peu pour satisfaire à de si grands intérêts, il y aurait folie à rester dans l’inaction.

La sécurité dont jouit la Méditerranée favorise le progrès de la population maritime et lui fait devancer un peu celui de la population générale du pays. Au recensement de 1831, qu’on peut admettre comme une expression assez exacte de l’état des choses en 1830, les deux départemens des Bouches-du-Rhône et du Var comptaient 676,974 habitans ; à celui de 1840, ils en comptaient 763,777. Les classes de la côte