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présentaient, en 1830, 13,197 inscrits, et 15,383 en 1846 : l’inscription maritime gagnait donc 16 pour 100, tandis que la population totale ne gagnait que 13. Ce mouvement se rapprocherait probablement davantage de celui de la navigation, si le ministère de la marine avait plus de moyens de protéger le personnel naval, s’il réunissait quelques attributions malheureusement placées au ministère des travaux publics et surtout à celui du commerce, si même il usait toujours habilement de celles qui lui appartiennent.

Les pêcheurs ont un droit particulier à sa sollicitude. Leurs travaux se font en famille ; l’enfant y est dressé dès le bas âge par son père ou ses frères aînés, et ils préparent à ses vieux jours une occupation et une retraite. L’habitude de braver sur de frêles embarcations les écueils et les orages, d’être à la fois la tête et le bras dans la manœuvre, de s’entr’aider dans le danger, de ne compter que sur soi-même et sur ses égaux, communique à l’ame des pêcheurs une trempe vigoureuse, et la petite pêche est la meilleure de toutes les pépinières de matelots. La mollesse avec laquelle s’en fait la police en compromet cependant l’avenir ; les pêcheurs mangent leur blé en herbe ; l’usage des filets prohibés détruit le jeune poisson, et les Martigues ne sont pas le seul port où l’on remarque l’appauvrissement de la mer : on s’en plaint davantage encore dans la rade d’Hyères, où il ne saurait s’expliquer par l’envasement des passes. Henri IV, dans ses sagaces investigations des moyens de féconder les ressources maritimes de la Provence, sentit toute la valeur de la petite pêche ; entre autres mesures prises en sa faveur, il détermina, suivant les idées de son temps, l’organisation des principales madragues dont la côte est garnie, et, si quelques-unes de ces institutions s’adaptent mal aux mœurs actuelles, ce ne sont point ceux qui les établirent, mais ceux qui ne savent pas les rajeunir, qu’on est en droit de blâmer. Si nous suivions les exemples d’Henri IV, une police intelligente et sévère protégerait la reproduction du poisson ; au lieu d’étudier l’ichthyologie de la Méditerranée sous les ombrages du Jardin des Plantes, M. Valenciennes et ses élèves recevraient la mission d’aller rechercher, au milieu des pêcheurs, les lois mystérieuses qui président à la propagation et aux migrations des espèces ; l’administration prendrait la base de ses règlemens dans la connaissance des procédés invariables de la nature ; nous verrions dans les huîtres, égales à celles de l’Océan, que les tempêtes jettent parfois sur la presqu’île de Giens, l’indice du voisinage de bancs tels qu’il s’en est récemment découvert vis-à-vis de Catane, et, si nos efforts pour les atteindre étaient vains, nous essaierions de naturaliser en Provence cette richesse sous-marine. Il s’agit ici d’intérêts d’un autre ordre que ceux pour lesquels nous avons fait une loi sur la chasse, et il importe bien plus de peupler nos côtes de poisson que nos champs de gibier. D’après des