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les eaux descendent vers cette mer ; il réclame donc le concours de toutes les branches de l’administration publique.

De toutes les industries, celle dont la prospérité est la plus nécessaire à celle de la marine est incontestablement l’industrie agricole ; les travaux d’aucune autre ne s’allient d’ailleurs aussi bien à ceux de la navigation. Le marin provençal, moins constant et moins sévère que celui du Nord, a besoin de faire alterner le calme des champs et les joies de la famille avec les fatigues et les périls de la mer. Cette disposition de son esprit trouve à se satisfaire dans la succession des labeurs que comportent tour à tour ces deux occupations de sa vie. Dans un pays sec, montueux, pauvre en fourrage et par conséquent en fumier, sous un soleil ardent, la culture des fruits de branche est préférable à la culture alterne, et la vigne, le figuier, le mûrier, l’olivier, doivent garnir la plus grande partie possible du sol ; des intervalles assez longs séparent, dans ce système, les préparations du sol et les récoltes, et l’on peut les remplir, tantôt par une campagne de pêche, tantôt par des voyages, auxquels les limites étroites de la Méditerranée assignent un terme assez court. La côte de Ligurie, dont les légères embarcations se rencontrent partout, depuis le détroit de Gibraltar jusqu’au fond de la mer Noire, n’a point de chaumières où l’on ne soit à la fois cultivateur et matelot. Il devrait en être de même sur celle de Provence lorsque la nature du sol se prête à l’intermittence des travaux, les ressources de la culture et celles de la navigation se complètent mutuellement, et c’est favoriser l’une que d’élargir le champ de l’autre.

Ces observations ne s’appliquent point aux débouchés des vallées, dans lesquelles il est possible, je devrais dire facile, d’établir de vastes irrigations. Sous le soleil de la Méditerranée, la terre arrosée ne prend aucun repos ; la succession pressée des récoltes entraîne la continuité des labeurs ; la charrue marche derrière la faucille ; la main du cultivateur n’abandonne la bêche que pour saisir le plantoir, et, dans la révolution de l’année, sa famille n’a pas de temps à dépenser hors de son champ. Les irrigations pratiquées sur le rivage sont-elles pour cela indifférentes à la navigation ? Ces villes maritimes qui grandissent comme par enchantement, ce Toulon, ce Marseille, dans les murs desquels accourent tant de nouveaux habitans, ne réclament-ils pas un surcroît d’alimentation ? La cherté progressive des subsistances sur tout le littoral n’avertit-elle pas de l’urgence du rétablissement de l’équilibre entre les ressources du sol et les besoins croissans des populations qui s’agglomèrent ? Ces navires qui partent tous les jours plus nombreux de nos ports n’ont-ils pas des provisions de bord à faire ? La vie à bon marché, dont sir Robert Peel ne craint pas de placer les bases en dehors des limites de son pays, importe-t-elle moins aux progrès de la