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de l’influence qu’ils exerceraient, dans les rangs, sur leurs voisins. De l’aveu de tous les marins, la mesure que recommande le plus le ministère de l’amiral de Rigny est celle par laquelle les matelots ont été exclusivement chargés du service de l’artillerie des navires ; il reste à la compléter en leur confiant les batteries de côte. Ce n’est pas à Toulon et sous l’impression des souvenirs du siège de 1707 qu’il serait permis de craindre qu’une artillerie destinée à battre la mer fût mollement servie par des matelots. Les mêmes vues d’extension du personnel naval conduiraient à préposer, comme en Angleterre, à la garde des arsenaux, des escouades d’anciens sous-officiers de la flotte qui seraient infiniment plus propres à cette surveillance que nos 16,000 hommes, d’infanterie de la marine. Une économie considérable serait ainsi réalisée, et, ce qui vaut mieux, une classe d’excellens serviteurs de l’état, privée de l’avancement auquel ont droit les sous-officiers de l’armée de terre, recevrait un encouragement mérité. L’état actuel des choses est encore plus contraire aux intérêts de la marine qu’à ceux du trésor et de l’armée de terre ; il multiplie des frottemens stériles, il transplante dans une terre ingrate ce qui serait ailleurs plein de sève et de vigueur, il énerve en réalité ce qu’il fortifie en apparence, et les régimens de la marine doubleraient de valeur en passant dans l’armée de terre. Ce ne sont cependant point là des raisons suffisantes pour amener une réforme utile, et la conséquence de la création d’une infanterie et d’une artillerie de la marine qui ne servent qu’à terre serait l’adjonction d’une cavalerie de marine, dont l’existence serait tout aussi facile à justifier, plutôt que l’adoption de mesures favorables à l’accroissement du personnel naval.

Ce serait considérer les intérêts maritimes sous un jour bien étroit et bien faux que de ne les croire affectés que par les mesures qui s’y rapportent directement. Il est bon de creuser des ports, de perfectionner et de fortifier des rades, mais c’est aux provinces adjacentes qu’il appartient d’en alimenter le mouvement, et la force ou la faiblesse navale d’un pays n’est jamais que la conséquence de sa force ou de sa faiblesse territoriale. La Grèce et la Sardaigne sont en possession des plus magnifiques abris de la Méditerranée, et les eaux en sont à peine sillonnées par quelques barques de pêcheurs, tandis que la culture de la vigne entretient dans l’atterrage inhospitalier de Cette une circulation de plus de trois mille navires ; les forêts de sapins de la Suède sont la source de la prospérité de sa marine ; le jour où les mines de houille de New-Castle seront épuisées, l’Angleterre perdra sa meilleure école de matelots, et le développeraient de notre établissement maritime sur la Méditerranée est essentiellement subordonné à celui de l’agriculture, de, l’industrie et des communications dans les vingt départemens dont