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éparses semblent être restées debout pour attester la facilité du rétablissement des forêts dont elles sont les débris. Le sol forestier d’un pays peut, en effet, toujours se reconstituer, et, pour savoir si des futaies croîtraient en Provence, il ne faut que se demander s’il y en existait autrefois. Les témoignages historiques ne laissent à cet égard aucun doute, et il doit être permis de remonter jusqu’à ceux des anciens, quand il s’agit des longues générations des grands végétaux. Il fallait que les lieutenans de César n’eussent pas à chercher les bois bien loin, pour que les douze galères qu’ils construisaient à Arles, pour le siége de Marseille, fussent armées trente jours après celui où les arbres étaient abattus[1]. La preuve que les montagnes des environs de Marseille étaient alors couvertes de futaies ressort des détails que César donne avec la précision d’un ingénieur[2], et Lucain, dans le, langage d’un poète[3], sur la profusion de bois employée aux circonvallations de la ville par Trebonius, qui en commandait le siége. Nous voyons au moyen-âge la Ciotat atteindre, par l’activité de ses chantiers de construction, une population double de celle d’aujourd’hui. Les montagnes qui l’entourent étaient alors couvertes de futaies magnifiques ; on n’y voit plus que des pins rabougris, et un poète classique serait en droit de comparer la ville appauvrie à ces dryades, dont la vie était attachée à celle de l’arbre qui leur servait de demeure. Sous Louis XIII, le président de Séguiran trouve un commerce de bois et de charbon organisé pour l’approvisionnement de Marseille et de Gênes à Cassis à la Ciotat même, à Bandol, à Sixfours, à la Seyne, dans la rade d’Hyères, à Bormes[4], et l’influence de cet élément de tonnage peut seule expliquer la quantité de navires et de marins dont il constate en divers lieux l’existence. Des soins intelligens, appuyés sur une répression énergique des délits forestiers, peuvent faire revivre cet état de choses. L’on n’a point à craindre aujourd’hui que l’avilissement de la valeur des bois soit un obstacle à cette sorte d’amélioration, et, si l’on veut savoir quel champ

  1. « Quibus effectis armatisque diebus triginta, a quà die materia caesa est, adductisque Massiliam, his D. Brutum praeficit. » (De Bello civili, I, 36.)
  2. De Bello civili, II, 1, 2, 9, 10, 11, 14.
  3. Lucus erat, longo numquam violatus ab aevo,
    Obscurum cingens connexis aera ramis,
    Et gelidas altè submotis solibus umbras.
    Tunc omnia latè
    Procumbunt nemora, et spoliantur robore silvae ;
    Ut, quum terra levis mediam virgultaque molem
    Suspendant, structà laterum compage ligatam
    Arctet humum, pressus ne cedat turribus agger.
    (Phars., L. III.)
  4. Procès-verbal de l’état des affaires de la côte maritime de Provence en 1633.