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rien ne les protège contre les intempéries de l’air, ni contre l’action combinée de l’humidité et du soleil qui y développe la germination. Ils arrivent ainsi après plusieurs mois jusqu’à Varsovie et à Dantzig, qui est le port d’embarquement pour l’Europe. La couche supérieure germe avec une telle vigueur, que les barques font l’effet de beaux jardins flottans, pareils aux Chinampas qui émerveillèrent Cortez et ses Espagnols, quand ils furent arrivés aux bords des lacs de Mexico. Ce qui reste de la production d’une terre pauvre, livrée à une culture barbare ou arriérée, une fois que les populations ont prélevé leur nourriture, est assez peu de chose. Ce qu’on peut habituellement amener sur le marché de Dantzig, avec les imparfaits moyens de transport dont on dispose, est moindre encore. Il faut lire dans la vaste publication de M. Mac-Grégor[1], qui a eu une montagne de documens entre les mains, ce que c’est que la puissance productive de ces provinces polonaises et moscovites, comparée à ce qu’une renommée mensongère en avait raconté. « Il avait, dit-il, été déclaré officiellement à plusieurs reprises, imprimé et réimprimé que le gouvernement de Tamboff (province intérieure de l’empire russe) produisait 39 millions de quarters de blé (113 millions d’hect.). » En y regardant de plus près, on trouve que la production ordinaire en céréales de toute espèce n’est que du sixième, et que les quatre-vingt-dix-neuf centièmes de cette production sont du seigle, ou de l’avoine, ou du sarrasin, toute autre chose enfin que du froment. En 1833, année d’abondance, la province ne put fournir que 1,512,000 hectolitres de grains de toute nature aux marchés de Saint-Pétersbourg et de Moscou. C’est sur cette proportion qu’on avait exagéré la production du bassin de la Baltique. Tous ces fantômes dont on avait effrayé l’imagination des cultivateurs anglais se sont évanouis quand on les a serrés de près. Il s’est trouvé que toute l’exportation de la Baltique à destination de l’Occident, en y joignant le bassin de l’Elbe qui débouche à Hambourg, et y compris même une portion de ce qui se rend d’un parage à l’autre de cette mer, ne pourrait communément s’élever, en fait de froment, qu’à 5,050,000 hectolitres.

A quel prix, s’est-on demandé ensuite, ce blé pourrait-il être livré ? M. Jacob, en s’entourant des meilleurs renseignemens commerciaux, est arrivé à 20 francs 70 centimes comme représentant le prix coûtant de l’hectolitre rendu à Londres. Il faudrait encore y ajouter les frais qui correspondent à la détérioration des grains par échauffement pendant le voyage, ainsi que le profit du marchand, et on tombe ainsi sur un prix de 23 à 24 francs l’hectolitre. M. Jacob cependant calculait sur un prix d’achat à Varsovie de 12 francs 7 centimes par hectolitre, qui est presque constamment dépassé. La moyenne des prix à Dantzig, de

  1. Commercial Statistics, tomes I et II, passim.