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La compagnie de Paris à Lyon s’est trouvée arrêtée dans son entreprise par une fâcheuse découverte. Après avoir commencé ses travaux avec activité et s’être mise en mesure d’ouvrir prochainement sa ligne entre Paris et Tonnerre, elle a reçu un rapport de son ingénieur en chef, homme d’une capacité et d’une loyauté éprouvées, annonçant que la dépense, estimée à 200 millions, s’élèverait à plus de 300. La panique s’est répandue parmi les actionnaires ; un grand nombre aurait voulu l’abandon de l’entreprise ; les plus modérés se sont accordés à solliciter du gouvernement la révision de l’acte de concession. La compagnie a demandé qu’on prolongeât la durée de sa jouissance, qui est de quarante-un ans, et qu’on l’affranchît de la traversée de Lyon, qui, telle qu’elle est indiquée dans la loi, serait infiniment onéreuse[1].

Le gouvernement a longuement réfléchi, et, à la fin, la transaction qui est intervenue et qui n’est que provisoire, est, de toutes celles dont il avait été question, celle qui garantit, pour la saison actuelle et pour l’hiver prochain, la moindre quantité de travail aux populations. La compagnie de Lyon s’engageait à porter, d’ici au mois de juillet 1848, à 120 millions le chiffre de ses dépenses calculées à partir de l’origine, ce qui supposait un nouvel appel de fonds de 40 millions et des travaux neufs pour pareille somme, mais c’était à condition que la confiscation qu’elle aurait eu à subir, dans le cas où l’on ne serait pas tombé définitivement d’accord, n’irait pas au-delà de son cautionnement ou de 16,800,000 fr. Les administrateurs de la compagnie craignaient que les actionnaires ne répondissent pas à l’appel de fonds, ou, réunis en assemblée générale, ne provoquassent la suspension des travaux, afin d’intimider à leur tour le gouvernement, dans le cas où il s’agirait pour eux de courir la chance d’une confiscation de 24 millions, telle que le gouvernement la voulait. À cette combinaison qui assurait l’établissement immédiat de nombreux chantiers, et qui avançait la construction d’un chemin de fer unanimement jugé indispensable, l’administration en a préféré une autre qui n’assure des travaux que jusqu’à concurrence de la somme de 10 millions, mais qui soumet éventuellement la compagnie à une pénalité de 24 millions. Il semble que l’administration ait eu, avant toute chose, le désir de montrer qu’elle savait faire acte d’autorité vis-à-vis des compagnies de chemins de fer. Ce n’était pas la question Personne, parmi les hommes dont le gouvernement doit rechercher l’approbation, ne l’accuse sérieusement d’être dans la dépendance de compagnies de chemins de fer ; mais tout le monde se plaint de ce que la France n’a pas encore ses voies de communication rapide pendant que l’Angleterre et l’Allemagne en sont couvertes, et on en a de l’humeur

  1. Cette traversée suppose l’établissement de trois gares complètes pour les voyageurs et pour les marchandises dans la seule elle de Lyon ou dans ses faubourgs.