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contre le gouvernement. Le pays est impatient de jouir de la ligne de fer qui conduira de Paris aux deux villes les plus populeuses du royaume, qui mettra la Méditerranée à quinze heures de la capitale, Alger à deux jours et demi. Et il est actuellement d’intérêt public au premier chef que de vastes ateliers soient ouverts aux populations cet automne et l’hiver prochain. On atteignait ce double objet en adoptant le système que recommandait la compagnie. On y tourne le dos par l’autre système. L’administration est donc tombée dans une regrettable méprise ; il reste cependant l’espérance que la chambre, saisie de la question par un projet de loi, réparera cette erreur.

La commission du budget, cédant à l’amour de l’économie qui doit, en effet, être sa règle, a l’idée de réduire les travaux publics extraordinaires dans une très forte proportion pour l’exercice 1848. Le ministre des travaux publics demandait pour cette destination un crédit de 133 millions, qui était en rapport avec les crédits des exercices précédens. La commission veut réduire la demande du gouvernement de plus de 90 millions. On ne se rendrait compte de cette disposition que si le désordre était dans nos finances ; mais il n’en est rien. Nos revenus publics, il est vrai, n’ont pas continué cette année de suivre la marche ascendante qui a imperturbablement signalé notre patrie à l’étonnement de l’Europe depuis quinze ans. Prises dans leur ensemble, les recettes indirectes du premier trimestre de 1847 sont un peu en dessous de celles de 1846, la différence est de 4,361,000 francs ; cependant elles sont de 9,435,000 francs au-dessus de celles de 1845, c’est-à-dire au-delà des prévisions du budget. Ce n’est donc pas une situation financière faite pour alarmer. On ne voit pas non plus que le crédit de l’état diminue ? L’état n’a pas cessé d’inspirer la plus grande confiance aux capitalistes. Si les rentes françaises ont baissé, si l’intérêt des bons du trésor a du être haussé, le gouvernement français en cela subit la condition commune de tous les gouvernemens européens. Le capital est momentanément raréfié ; quiconque a besoin de capital, individu ou état, en subit les conséquences. Le gouvernement, dit-on, va être forcé d’emprunter ; il faut donc qu’il réduise ses dépenses au strict nécessaire. Il me semble que les travaux extraordinaires destinés à occuper les bras pendant que les subsistances sont chères font partie du nécessaire dans le sens le plus strict. Le gouvernement vient d’éprouver, à l’occasion des bons royaux, que, lorsqu’il faisait un appel aux capitalistes, les fonds ne lui manquaient pas, et il vaut mieux emprunter pour faire exécuter des travaux utiles, qui devraient être accomplis, dans tous les cas, d’ici à très peu de temps, que pour augmenter l’armée de vingt ou de trente mille hommes, afin de contenir les masses populaires. D’ailleurs, au point de vue financier, et toute question d’humanité ou d’ordre public à part, c’est une opération plus onéreuse d’ajourner