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somme de 7 millions à partager donnerait un revenu égal à 6 pour 100. En présentant ces chiffres, nous avouerons qu’ils sont purement hypothétiques ; dans l’incertitude qui plane encore sur les entreprises de chemins de fer, il ne serait pas plus raisonnable de les garantir que de les contester. A notre avis, un chemin d’importance première, mieux placé qu’aucun autre pour envahir le monopole des transports, la grande route de l’Algérie, de l’Italie, qui sera un jour celle de tout l’Orient, doit constituer une spéculation si brillante, qu’il est juste, en lui portant secours aujourd’hui, d’introduire dans le cahier des charges le principe de la révision périodique des tarifs ; sans cette réserve, faite dans l’intérêt public, il ne serait pas sans danger d’étendre le privilège. Bref, avec la suppression pure et simple du ruineux embranchement de Grenoble, une prolongation de jouissance calculée de manière à alléger le fardeau de l’amortissement, et la réduction du capital à 100 ou 120 millions, les actionnaires, retrouvant le revenu promis de 6 pour 100, reprendront courage. Cette perspective suffira pour déterminer les versemens et hâter l’achèvement d’une ligne qui doit être pour la France un instrument de prospérité politique et commerciale.

Au nombre des entreprises menacées, il en est deux qui sont particulièrement dignes d’intérêt : ce sont la ligne secondaire de Montereau à Troyes et le double embranchement qui doit aboutir à Dieppe et à Fécamp. Conçues avec une prudence rare, puisque les devis primitifs ne seront pas dépassés, exemptes des souillures de l’agiotage, recommandables surtout par les efforts qu’elles ont faits jusqu’à ce jour pour conserver le travail à leurs ouvriers, ces deux entreprises sont à la veille de succomber : si elles sont encore debout, c’est par l’espoir d’être promptement secourues. Leur discrédit est d’autant plus grand, qu’on sait qu’elles ne sont pas soutenues par les manœuvres de la spéculation, et les cours de la Bourse leur sont tellement défavorables, que les directeurs n’osent plus compter sur les derniers versemens. Laisser en souffrance des travaux qui touchent à leur terme, tarir la source d’un bénéfice prochain, ce serait déraisonnable : déposséder des compagnies, dont le seul tort est de fléchir momentanément sous l’influence d’un malaise général, ce serait une iniquité ; il faut donc que le gouvernement accepte, comme une charge d’utilité publique, l’obligation de rendre leur valeur reproductive à des dépenses stériles aujourd’hui. Il ne suffit pas, pour soulager la compagnie de Montereau, d’un simple amendement à son cahier des charges : n’étant gênée dans l’accomplissement de son contrat que par la difficulté qu’elle éprouve à compléter son capital, elle sollicite un emprunt ou une caution. Si l’entreprise est bonne, comme tout le fait espérer, l’état ne risque rien à prêter ; si elle doit être mauvaise, il accomplit, en quelque sorte, une restitution. Qu’on se souvienne, en effet, qu’en 1844 une loi déclarait que, si aucune compagnie ne se présentait pour construire à ses risques et périls l’embranchement de Montereau à Troyes, cette ligne serait exécutée, suivant le régime de la loi du 11 juin 1842, avec une allocation de 15 millions. Aujourd’hui le chemin est fort avancé : une première section, celle de Troyes à Nogent, pourrait être ouverte avant trois mois. On demanderait moins d’un an pour livrer toute la ligne, si l’on trouvait le moyen de stimuler les souscripteurs retardataires : un modeste emprunt de 4 millions lèverait toutes les difficultés. Malgré la défaveur dont elle est frappée à la Bourse, la ligne de Montereau à Troyes deviendra excellente. Exécutée avec économie, elle promet