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déjà un revenu net de 4 francs 82 centimes pour 100, à ne compter que la circulation actuelle ; or, il est sans exemple qu’une voie ferrée n’ait pas augmenté du double au moins la locomotion et les transports. Un jour viendra où ces actions qui perdent aujourd’hui près de 50 pour 100 reprendront leur niveau naturel au-dessus du pair. Une simple démonstration de l’état en faveur de cette entreprise suffirait pour la relever immédiatement. Qu’au lieu de verser 4 millions dans les coffres de la compagnie, le gouvernement manifeste l’intention d’employer cette somme en acquisition de titres au cours de la Bourse, il est probable que cet acte de confiance déterminera les actionnaires craintifs à compléter leurs versemens ; le but sera atteint sans un sacrifice effectif. Dans le cas même où le trésor serait obligé d’acheter les 8,000 actions que l’on suppose en de mauvaises mains, il les obtiendrait en profitant des bas prix. L’intérêt de 4 pour 100, attribué aux actions pendant le cours des travaux, garantirait le présent, et dans un an, lorsque la mise en exploitation aurait relevé les cours, l’état, revendant ses titres au pair, réaliserait un bénéfice, indemnité légitime des sacrifices qu’il est obligé de faire sur d’autres points.

En ce qui concerne le double chemin de Dieppe et Fécamp, le remède est plus facile encore, puisque la crise peut être simplifiée sans inconvénient par l’ajournement d’une partie des travaux. Formée au capital de 18 millions, pour rattacher deux ports de mer à la grande ligne de Paris au Hâvre, la compagnie a sagement concentré ses efforts sur une seule section, celle de Dieppe. Au prix des plus grands sacrifices pour retenir sur le terrain 2,800 ouvriers malgré la lenteur et l’inexactitude des versemens, on a poussé les travaux si vivement, que les 51 kilomètres qui séparent Dieppe de la route du Hâvre pourraient être livrés au parcours le 1er mars 1848. Mais 7 millions seulement ont été réalisés à grand’peine : les administrateurs avouent qu’ils n’osent plus compter sur les appels qui doivent suivre. Les actionnaires qui s’intéressent particulièrement à la ville de Fécamp ont sollicité la garantie d’un minimum de revenu, sans rien attendre d’une instance dont ils sentaient eux-mêmes l’inopportunité. Le seul parti raisonnable est donc d’ajourner à des temps meilleurs l’embranchement de Fécamp et de proportionner le fonds social aux seuls besoins de la ligne de Dieppe. En limitant les actions à 330 fr., sur lesquels 200 fr. ont été payés, on réduirait le déficit à 5 ou 6 millions. Le rachat des actions en retard, fait par le trésor, aurait la même efficacité et les mêmes avantages que pour le chemin de Montereau. On parle depuis quelques jours d’une autre combinaison. L’état procurerait un emprunt de 3 à 4 millions, remboursables par les actionnaires eux-mêmes au moyen d’appels de 25 fr., échelonnés de manière à faciliter le passage de la crise. Une demande si modérée et qui engage si peu la fortune publique sera favorablement accueillie, surtout si les deux villes qui ont lancé l’entreprise unissent cordialement leurs efforts. Les habitans de Fécamp auraient tort de se considérer comme sacrifiés. Il n’en est pas du chemin projeté en leur faveur comme de ces embranchemens ruineux dont on cherche à se débarrasser pour alléger une spéculation. Il est constaté que la section de Fécamp promet d’être plus lucrative que celle de Dieppe. Hâter l’achèvement de cette dernière, c’est assurer l’existence de celle qu’on est forcé de négliger aujourd’hui.

Il reste enfin une entreprise dont la situation et l’avenir soulèvent un doute pénible : c’est le chemin de Bordeaux à Cette. Classée, par la loi de 1842, au