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à ce sujet. De son côté le ministre des travaux publics, M. Jayr, a demandé à la chambre une allocation de nouveaux crédits pour les lignes de Paris à Lille, d’Avignon à Marseille, d’Orléans à Vierzon. On sait qu’en ce qui touche le chemin de Paris à Lille, toutes les sommes dépensées doivent être remboursées, au gouvernement par la compagnie concessionnaire. Il ne s’agit donc ici que de simples avances. Pour le chemin d’Avignon à Marseille, les travaux sont exécutés à forfait par une compagnie, moyennant une subvention de 32 millions ; mais le gouvernement a pris de plus à sa charge le paiement des indemnités de terrain : il y faut pourvoir. Il est juste aussi de prendre en considération les désastres causés l’an dernier au chemin de fer de Vierzon par l’inondation de la Loire.

Mais de toutes les lignes de fer, le chemin de Lyon est celui dont la situation est la plus triste, et dont cependant l’exécution serait la plus nécessaire. Comment en douter, quand il est constaté que, pour le transport des grains, on eût, dans ces derniers temps, épargné 14 millions, si le chemin qui doit relier Paris à la Méditerranée eût été construit ? On sait l’énorme erreur commise dans l’estimation des dépenses que devait entraîner la ligne de Lyon. En disant que les ingénieurs qui ont fait les premiers devis ne se sont trompés que de 100 millions, on est fort au-dessous de la vérité. Une pareille méprise a eu pour conséquence de faire subir aux titres de la compagnie une dépréciation sensible et de porter le découragement parmi les actionnaires. Depuis six mois, la compagnie, représentée par son conseil, était en pourparlers avec le gouvernement, et depuis six mois il n’était rien sorti de toutes ces conférences. Cependant le gouvernement ne pouvait contempler avec une indifférence stoïque la détresse de la compagnie, et attendre dans l’inaction qu’elle eût encouru la déchéance prononcée par l’article 37 du cahier des charges. Les circonstances exceptionnelles dans lesquelles se trouve la compagnie, l’erreur dont elle est victime et qui ne provient pas de son fait, tout rend inapplicable, dans toutes les hypothèses, l’exécution rigoureuse de l’article 37. D’ailleurs, si, aux termes de cet article, on voulait procéder à une adjudication nouvelle, trouverait-on des adjudicataires ? L’intérêt général et la justice exigeaient que le gouvernement vînt avec une rapide énergie au secours de la compagnie. Le nouveau ministre des travaux publics a voulu du moins prendre promptement une mesure conservatoire qui empêchât la suspension des travaux, et permît à l’administration et à la compagnie d’arrêter de concert des combinaisons nouvelles. A défaut d’un parti plus décisif, cet expédient est préférable, à coup sûr, à une inaction complète. Le gouvernement demande donc aux chambres d’être autorisé à n’exercer les droits qui lui sont conférés par le cahier des charges que jusqu’à concurrence de 24 millions, dans le cas où la compagnie de Lyon, renonçant à sa concession avant le 1er mai 1848, emploierait jusqu’à cette époque, en travaux d’art et de terrassement, une somme de 10 millions au moins. Ce minimum est bien faible : il eût mieux valu le fixer à 25 millions, et réduire à 16 millions la perte à faire supporter à la compagnie, dans le cas où elle renoncerait à sa concession avant le 1er mai 1848. Ce délai est aussi trop rapproché : en s’y conformant, la compagnie peut ne rien préparer pour la saison des travaux de l’an prochain, et l’on se trouvera exposé à l’interruption que l’on veut éviter. Le second projet, qui libère momentanément la compagnie du chemin de fer de Lyon à Avignon de l’embranchement sur Grenoble, répare une de ces erreurs