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pour chaque concession, à prendre dans les forêts de l’Édough, afin d’alimenter les hauts-fourneaux à élever sur place. Au reste, cette faveur, promise plus particulièrement à MM. de Bassano et Talabot, ne pourra peut-être pas être effectuée, en raison même de la richesse de l’Édough. Si cette forêt est, comme on le croit, composée en grande partie de chênes-lièges ou de hautes futaies, on réservera ces arbres précieux pour une exploitation plus lucrative que celle du combustible.

Sur les quatre personnes munies de privilèges, trois sont restées depuis deux ans complètement inactives. La compagnie Talabot n’a élevé aucune construction ; elle paraît s’être bornée à extraire des échantillons de minerais pour les soumettre à des essais dans ses usines en France. La compagnie Bassano, au contraire, accéléra son organisation industrielle. Le titre, obtenu gratuitement, fut compté dans l’acte social pour 750,000 francs au profit des concessionnaires ; pareille somme, fournie en argent par une commandite, forma un capital d’exploitation. De grandes et belles constructions furent entreprises. L’esprit d’envahissement, qui semble naturel à cette société, la poussa bientôt hors des limites qui lui étaient tracées par son cahier des charges. Ainsi, contrairement au texte de l’ordonnance royale, qui lui conférait seulement le titre de Concession de la Meboudja, elle prit dans ses actes et dans ses prospectus le nom de Société des mines et usines de Bône, usurpation qui semblait annuler les autres mines concédées ou à concéder dans les environs de Bône, et dont la. Meboudja ne représente qu’une partie. Les tentatives faites auprès du ministre pour obtenir directement ou indirectement la reconnaissance de ce titre pompeux au préjudice des entreprises rivales restèrent sans effet. On eut encore à blâmer dans l’appel fait aux capitaux l’annonce exagérée de l’établissement de six hauts-fourneaux : luxe de construction qui, suivant les avis communiqués par le ministère des travaux publics, eût été hors de toute proportion avec la somme des minerais à extraire de la Meboudja. On aurait pu relever aussi quelques infractions aux règlemens, en ce qui concerne la disposition des usines déjà construites ; mais l’administration crut devoir fermer les yeux, afin de n’être pas accusée d’entraver les spéculateurs par des tracasseries de forme, et parce qu’en définitive l’activité ambitieuse des directeurs de la Meboudja semblait devoir tourner au profit de la colonie.

Le bruit qui se fit dans les régions de la Bourse au sujet des mines de l’Algérie donna l’éveil aux coureurs d’affaires : on était au plus fort de cette frénésie industrielle qui prit un instant le caractère d’une épidémie. A qui n’est-il pas arrivé, de 1844 à 1846, de rêver tant soit peu d’actions et de dividendes ? Comme à un signal donné, les demandes pour la recherche et l’exploitation des mines algériennes encombrèrent