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les cartons du ministère. La prudence commandait de ne pas prodiguer les privilèges avant d’avoir vu à l’œuvre les cinq compagnies qui étaient déjà instituées ; mais il n’y avait pas d’inconvénient à multiplier les permis d’exploration. On sait que l’état ne prend aucun engagement, n’aliène aucun de ses droits en autorisant un particulier à faire les travaux nécessaires pour constater l’existence et la richesse d’une mine ; seulement il est d’usage que celui qui a contribué à la découverte du trésor par son industrie et par ses dépenses soit, à mérite égal, préféré à ses compétiteurs. Les permis pour la recherche des divers gisemens métallifères ont donc été délivrés au nombre de 24 pour la surface entière de l’Algérie, savoir : 9 dans un rayon plus ou moins rapproché de Tenès, 1 au sud de Blidah, 1 au sud de Mouzaïa, 1 près d’Alger, 1 près de Souma, 2 près de Bône, 1 au cap Ferrat, 4 au mont Filfila, près de Philippeville, 1 à l’ouest de Guelma, 1 enfin à Aïn-Barbar. C’est au sujet de cette dernière localité que les plus violentes incriminations ont été lancées contre le ministère de la guerre.

Quel est donc le trésor caché dans les profondeurs d’Aïn-Barbar ? Chose incroyable, on ne sait pas encore exactement, à l’heure qu’il est, s’il s’agit d’une mine de cuivre, de zinc, ou autre métal ! Un ingénieur a signalé les indices d’une veine remarquable, et les imaginations ont pris feu sur cette espérance. Du 18 mai 1846 au 28 janvier 1847 parvinrent successivement neuf demandes de permis d’exploration formées par des compagnies ou par des entrepreneurs isolés. Une de ces demandes, à la date du 14 août, excita un étonnement mêlé de sympathie : elle avait pour signataires deux indigènes, les deux kaïds de la subdivision de Bône. Considérant qu’il serait d’un bon exemple en Algérie d’intéresser les Arabes aux succès industriels des Européens, M. de Saint-Yon signala la requête des kaïds à l’attention spéciale de M. le maréchal Bugeaud ; le ministre ajouta que les deux chefs indigènes, dans l’ignorance de notre législation comme des procédés de l’art métallurgique, n’étaient pas capables d’exploiter par eux-mêmes, et qu’il était indispensable qu’ils s’associassent à des Européens. Dès que la décision ministérielle fut connue, les deux kaïds, à ce qu’on entrevoit, devinrent le point de mire des solliciteurs. Probablement il se joua autour d’eux quelques bonnes scènes de comédie qu’ils ne purent pas comprendre. Le 2 février de la présente année, MM. Thurneyssen et compagnie, qui faisaient nombre parmi les neuf solliciteurs pour l’exploitation d’Aïn-Barbar, renouvelèrent leur demande en déclarant qu’ils feraient participer les kaïds, dans la mesure qu’il plairait au ministre de déterminer, aux avantages de la concession, si elle devait avoir lieu plus tard. Le 20 février suivant, un rapport exposant le détail des faits qui viennent d’être résumés fut mis sous les yeux de M. de Saint-Yon ;