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jusqu’à la mer, le tuf de l’Etna, résultant des éruptions qui datent de la période géologique actuelle. Quelques coulées de laves modernes atteignent aussi le rivage, tranchent, par leur teinte noire, sur la couleur grisâtre du fond, et parfois se superposent les unes aux autres, comme à Aci Reale, dont la Scalazza est formée de sept assises distinctes. Parfois aussi des roches éruptives, dont l’origine remonte à des âges géologiques plus reculés, viennent attirer les regards. Les basaltes du capo Mulini, ceux de Castello d’Aci, ceux des Fariglioni ou îles des Cyclopes, sont là pour attester que, de tout temps, cette portion de la Sicile a été le théâtre des plus redoutables phénomènes.

Catane est la digne capitale d’une terre si cruellement privilégiée. Bien que séparée du grand cratère, centre d’action des feux souterrains, par une distance d’environ huit lieues à vol d’oiseau, cette ville semble être un produit immédiat du volcan. Resserrée entre quatre coulées d’âges différens, c’est avec la lave qu’elle a bâti ses maisons et pavé ses rues. C’est dans la lave qu’elle enfonce les fondemens de ses édifices ; c’est en traversant des bancs de lave qu’elle atteint les sources qui l’alimentent. Le feu liquide a comblé ses ports, brûlé ses jardins, enfoncé ses murailles, enseveli des quartiers entiers. Puis les tremblemens de terre ont renversé ce qu’avaient épargné les laves, et toujours Catane s’est relevée du milieu des décombres, élargissant davantage ses grandes rues tirées au cordeau, élevant plus haut encore ses palais, ses couvens et ses églises. Pourtant elle n’a pu faire disparaître entièrement les traces de ces catastrophes, et, en abordant sur ce sol tant de fois bouleversé, nous pûmes commencer sur-le-champ les observations géologiques qui allaient remplacer pendant quelques jours les études de zoologie.

La petite anse qui forme aujourd’hui le port de Catane ne ressemble guère à cette magnifique rade chantée par les poètes de l’antiquité, qui s’enfonçait à près d’une lieue dans les terres, jusqu’aux collines de Licatia, et ouvrait aux navires son large bassin protégé par une île[1]. Le port d’Ulysse n’existe plus depuis bien des siècles. Cent vingt-quatre ans avant notre ère, un courant de lave, sorti de terre à deux lieues de la ville, inonda toute la campagne à l’est de Catane, combla le port, dépassa

  1. Portus ab accessu ventorum immotus et ingens
    Ipse, sed horrificis juxta tonat a AEtna ruinis. (VIRGLE.)
    On trouve tous les jours encore, des preuves de l’existence de cette ancienne plage. Dans toute la banlieue placée à l’orient de Catane, dans toute a partie de la ville comprise entre le Bourg, et le quartier de la Cité, les puits traversent une épaisse couche de lave et atteignent un banc d’argile ou de sable parfois mélangé de galets, où l’on rencontre un grand nombre de coquilles appartenant aux mêmes mollusques qui vivent encore aujourd’hui dans le port et la long des rivages voisins. On y a même découvert des fragmens de bois.