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foi ! non ; mais simplement comme homme. Rapproche ces attentats, comme on les nomme, et qui, à la vérité, méritent bien ce nom, de ceux du 17 juillet, de triste mémoire pour les moines de Madrid, et je te dirai une chose :

« Quand je vois les principales populations du royaume se lever en tumulte, et, en dépit des garnisons, de la garde nationale, des autorités, renverser l’ordre et se livrer sur différens points, à différentes époques, sans tenir compte des sentimentales homélies des journaux, à de regrettables excès, difficilement je me hasarde à juger ces faits à la légère. Plus grands sont les excès, plus incroyable est l’oubli des lois, plus forte l’insurrection, et plus je m’obstine à leur chercher une cause. Ni dans l’ordre physique, ni dans l’ordre moral, je ne comprends que le moins produise le plus ; je ne comprends pas d’événement qui ne soit naturel, et, pour moi, naturel et juste sont synonymes : d’où je conclus qu’une insurrection triomphante est chose aussi naturelle que l’éruption d’un volcan, si préjudiciable qu’elle paraisse. Une cause n’est pas une apologie ; mais elle devient une atténuation, du moment où on m’accorde qu’une cause donnée doit avoir forcément un effet.

« Ceci posé, où le peuple espagnol voit-il son principal danger, le plus imminent ? Dans le pouvoir laissé par une tolérance malentendue, et pendant long-temps, au parti carliste ; dans l’importance qu’une indulgence, un dédain inopportuns ont donnée à la guerre civile. Le peuple ne voyait-il pas dans les couvens autant de foyers de la guerre, dans chaque moine un ennemi, dans chaque prisonnier carliste un criminel d’état toléré ? Ne provenait-elle pas de ces mêmes ennemis, maîtres pendant des siècles de l’Espagne, la longue accumulation d’une antique rancune jamais soulagée ? Quoi d’étonnant que la société assaillie en masse, en masse se défende ? Quoi d’étonnant que, ne pouvant étouffer d’une fois l’ennemi dans ses bras, le peuple se rue sur la fraction la plus faible quand elle est à sa portée ? Celui-là seul peut être généreux qui est déjà vainqueur. S’il est donné au gouvernement de juger et de condamner avec les formes légales, c’est qu’il est hors de cause, c’est qu’il représente l’impartiale justice ; mais voudrait-on que, de deux athlètes au plus fort de la lutte, l’un continuât de combattre à outrance son ennemi, tandis que l’autre se contenterait de dire : « Attends un peu, ne me tue pas, car je vais appeler la justice qui est de mon parti pour qu’elle te pende ! »

« Le peuple n’est pas gouvernement ; il est plus fort que le gouvernement, quand celui-ci ne sait pas comprendre et satisfaire ses voeux. La preuve, c’est qu’il mène à fin ses attentats sans que le gouvernement puisse les prévenir ou les empêcher. Ceci n’est pas louer les attentats, c’est énoncer les inconvéniens des mouvemens populaires, qui, pour mauvais qu’ils paraissent, sont naturels, comme il est mauvais, mais naturel, qu’un fleuve contenu par des digues trop faibles sorte irrité de son lit et inonde la campagne qu’il devait fertiliser.

« Note bien une chose. Qui put, il y a un an, ouvrir un déversoir convenable à ce fleuve et ne sut pas le faire a mauvaise grace, quand arrive la crue, à venir se plaindre du fleuve. Qu’il se plaigne plutôt de sa propre imprévoyance. Le gouvernement n’a pas su contenter la population à temps et donner une issue légale à ses justes colères, et son successeur, l’héritier de sa faute, ose se plaindre, de quoi ? De ce que les peuples ne sont pas de carton, comme les uns et les autres l’avaient cru ! »

Voilà, j’espère, qui est clair et qui répond à tout : « Les peuples ne