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cette conquête leur avait coûté environ deux mille hommes, parmi lesquels plusieurs officiers supérieurs, entre autres, le général Butler du Kentucky. La partie éclairée de l’armée réclamait vivement une suspension d’hostilités. Les volontaires texiens, au nombre de mille environ, avaient rendu leurs armes et regagné leur pays, non sans avoir commis de ces attentats au droit des gens ou à la propriété que n’excuse jamais la conquête. À ces attentats, la population vagabonde qui errait dans les solitudes traversées par les volontaires avait répondu par de nombreuses et sanglantes représailles. La nouvelle des actes commis par les Texiens et des vengeances que ces actes avaient provoquées causa dans l’armée américaine une triste impression. Une vague inquiétude pesait, en quelque sorte, sur les vainqueurs, qui n’étaient pas sans s’apercevoir que la sympathie sur laquelle ils avaient compté leur manquait complètement. Une armée française aurait pu se gagner, jusqu’à un certain point, la population à force de gaieté, d’urbanité et de douceur ; mais les Américains, orgueilleux, insolens et taciturnes, froissaient en toute occasion les habitudes courtoises de l’esprit mexicain. La situation de l’armée du général Taylor, même après son nouveau triomphe, restait, on le voit, périlleuse et difficile. L’échec essuyé par une escadre américaine le 15 octobre 1846 n’était pas fait pour relever le moral des troupes. Le 15 octobre, vers cinq heures du matin, une escadre composée de trois navires de guerre à vapeur, de cinq autres bâtimens à voile, s’approcha de la barre d’Alvarado, petite ville à seize lieues de Vera-Cruz, avec l’intention évidente de forcer la barre et d’opérer un débarquement ; mais la manœuvre fut mal conduite, et le feu bien dirigé d’un petit fort qui défend Alvarado ne permit aux bâtimens américains ni de descendre à terre ni même de forcer la barre. Après de vaines tentatives renouvelées pendant plus de douze heures, l’escadre fut forcée de regagner assez précipitamment le mouillage de San-Anton Lizardo. C’était là un échec bien humiliant pour un peuple qui avait affecté de rabaisser, comme un exploit facile, la prise de Saint-Jean-d’Uléa par une escadre française.

Si l’occupation de Monterey ne valait pas aux Américains tous les avantages qu’ils pouvaient en attendre, il faut avouer cependant que le drapeau de l’Union, depuis l’ouverture des hostilités, avait fait bien du chemin. Immédiatement après la prise de Monterey, les Américains s’étaient emparés sans coup férir de Tampico. Ils avaient en même temps pénétré dans la Californie. Ces deux points étaient comme les deux limites extrêmes de l’invasion, qui s’étend aujourd’hui de l’Océan Atlantique à l’Océan Pacifique. Dans les points intermédiaires, à Saltillo, à Chihuahua, à Durango, l’armée d’invasion régnait en maîtresse absolue, et en agissait sans façon avec les vaincus, payant ici le prix de ses déprédations en traites à vue sur Santa-Anna, ailleurs ne payant