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pas, ce qui était toujours une insulte de moins, là infligeant la peine du fouet à tous les nationaux qui vendraient de l’eau-de-vie aux soldats. Par Tampico, par la Californie, par le Nouveau-Mexique, les Américains, qui utilisaient à leur profit le blocus des côtes, introduisaient sur le territoire envahi un grand nombre de marchandises. Ce qu’on aura plus de peine à croire, c’est que les chefs de la nation mexicaine secondaient les opérations commerciales des négocians de l’Union. Santa-Anna donnait toutes les passes nécessaires à l’introduction des marchandises américaines, et le gouverneur du Nouveau-Mexique, le général Armijo, accompagnait lui-même à la célèbre foire de Saint-Jean vingt-sept chariots américains. Ainsi les marchands d’une nation ennemie étaient protégés, escortés par ceux-là même dont ils avaient violé le littoral.

Cependant l’armistice touchait à sa fin. Santa-Anna était arrivé à San-Luis Potosi. Après avoir fait lire à ses troupes, aux sons de la musique militaire et au bruit des cloches, la déclaration de Taylor portant que le 13 novembre il reprendrait les hostilités, le généralissime mexicain était retombé dans l’apathie, qui chez lui succède souvent à une fiévreuse activité. Opposant une sérénité impassible aux accusations de trahison qu’on dirigeait contre lui, il partageait tout son temps entre les fêtes, les réjouissances publiques et les combats de coqs, dont il a toujours été un amateur effréné. Néanmoins ces distractions ne l’absorbaient qu’en apparence. A la suite de quelques troubles qui avaient éclaté à Mexico, Santa-Anna avait fait publier par le gouverneur de San-Luis Potosi un décret portant qu’il était le chef unique de la république, qu’à lui seul appartenait le droit de nommer ou de révoquer le président intérimaire, qui n’obéirait qu’à ses ordres ; que tout autre chef porté au pouvoir par une révolution quelconque ne serait pas reconnu. Ce décret avait été adopté par les états de Zacatécas, de Guanajuato, de Yucatan, de Mexico et de Puebla ; il investissait Santa-Anna d’une véritable dictature. Une fois ce résultat obtenu, Santa-Anna rentra de nouveau dans l’inaction. Profitant de cette trêve qui leur était tacitement accordée, les Américains avaient partout réparé leurs pertes et fortifié leurs positions. Ce n’est qu’en février 4847 que le, général se décida enfin à calmer les inquiétudes du pays en menant son armée au combat.


V.

Quittant son quartier-général de San-Luis Potosi, Santa-Anna se porta sur Saltillo, alors occupé par le corps d’armée placé sous les ordres du général Taylor, qui de son côté s’avança à sa rencontre. Le vétéran américain avait assis son camp dans un endroit nommé Agua-Nueva,