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de son côté sur le champ de bataille. Une explosion de mitraille avait tué son cheval sous lui. Ni l’un ni l’autre des deux généraux ne fut blessé. Les troupes fraîches envoyées par Taylor chargèrent impétueusement les troupes de Santa-Anna, harassées de fatigue, exténuées de soif et de faim depuis quarante heures. Ce mouvement acheva la déroute des Mexicains. L’armée de Santa-Anna battit en retraite, laissant sur le champ de bataille un nombre de morts considérable. De tous côtés, les officiers mexicains tombaient frappés par les inévitables balles des tirailleurs américains. La pluie de plus en plus abondante fit descendre bientôt un véritable nuage entre les combattans. Il était à peine trois heures, et la nuit semblait proche. Les Américains renoncèrent à poursuivre l’ennemi, et la plaine abandonnée laissa voir une couche serrée de cadavres baignés par l’eau pluviale, des blessés qui, dans l’angoisse de l’agonie, se traînaient péniblement vers les torrens débordés, et l’armée américaine de nouveau retranchée dans sa position inexpugnable.

La journée avait été meurtrière pour les deux armées. Les Américains avaient perdu plus de 2,000 hommes, parmi lesquels un nombre considérable d’officiers ; les Mexicains en avaient perdu le double. Cependant, si on considère que le corps de réserve aux ordres du général Vasquez n’avait pu rejoindre le gros de l’armée, et que la détresse avait forcé Santa-Anna à livrer le combat dans un endroit défavorable, avec des munitions détériorées par l’humidité, on reconnaîtra que l’issue d’un combat livré à chances si inégales pouvait ne pas être interprété dans un sens trop décourageant pour la valeur mexicaine. L’une et l’autre armée campèrent aux alentours du champ de bataille. On remarqua, en faisant le dénombrement des morts, que la plupart des Mexicains avaient été tués par des armes à feu, la plupart des Américains par la lance ou la baïonnette. La lance mexicaine, la carabine des settlers, avaient toutes deux vaillamment rempli leur office. Il arriva d’ailleurs après cette bataille ce qui était arrivé déjà après les actions principales de cette guerre étrange. Aucun des deux pays ne voulut accepter le rôle de battu. A Mexico, on chanta un Te Deum d’actions de grace, tandis qu’à New-York les bulletins de la victoire de Buena-Vista, et surtout la fière réponse du lieutenant kentuckien Taylor never surrenders (Taylor ne se rend jamais), recevaient une publicité éclatante.

« Nous avons combattu quarante heures avec faim et soif, écrivait Santa-Anna dans une dépêche datée du champ de bataille. Ce qu’il nous faut, c’est de l’eau, de l’eau surtout. » Un conseil de guerre tenu le 25 sous la tente de Santa-Anna décida qu’on battrait en retraite sur Agua-Nueva, où cette armée exténuée devait trouver, pour se refaire, un filet d’eau saumâtre. Quant à Santa-Anna, il rentrait à San-Luis Potosi