tion, qui est la première qualité du génie comique. Un peintre de mœurs, M. Mesonero Romanos, qui s’est distingué sous le nom d’el curioso parlante et a fait de spirituelles études, les Scènes madrilègnes, — où il retrace les coutumes espagnoles, disait avec vérité : « Si la première condition, pour obtenir la ressemblance dans un portrait, est l’immobilité de celui qu’on veut peindre, comment l’obtiendrait-on lorsque le modèle se soulève et s’agite dans toutes les directions, tantôt rit, se moque et se drape dans son arrogance, tantôt se lamente et se cache pour ne point laisser voir son abjection et sa misère ? Comment et à quel instant surprendre un oiseau qui vole, un enfant qui grandit à vue d’œil, une roue qui tourne, un peuple antique enfin qui disparaît pour se confondre dans un nouveau peuple, qui invoque vainement le passé et sacrifie le présent pour se livrer aux illusions et aux espérances de l’avenir ? » Comment, peut-on ajouter, la comédie, qui observe et reproduit les passions de l’homme non-seulement dans ce qu’elles ont d’essentiel et d’invariable, mais encore dans les modifications que leur font subir les circonstances extérieures à chaque époque, ne souffrirait-elle pas de cette situation ? Breton lui-même dit, par la bouche d’un de ses personnages du Tercero en discordia : « Les Madrilègnes se sont créé un tel mélange de mœurs nationales et de mœurs étrangères, qu’on ne peut plus y rien entendre… Madrid sera bientôt une charade, un logogriphe. » Le fait dominant au milieu de cette incertitude, — il n’est point difficile de le remarquer, — c’est l’analogie avec la France, c’est la tendance évidente à se rapprocher de nos idées, à exprimer les mêmes sentimens, à considérer l’âme humaine du même point de vue. Ce n’est point imiter servilement, ainsi qu’on le dit sans expliquer cette assertion dédaigneuse ; c’est suivre dans la littérature la loi du développement moral de toute l’Espagne moderne. Cette transformation, qui s’opère sous nos yeux et dans laquelle on se plaît à signaler à chaque pas l’influence spéciale de la France, est en réalité quelque chose de plus élevé qu’un plagiat vulgaire ; c’est une initiation laborieuse à la civilisation générale qui envahit le monde de nos jours, et qui n’est le patrimoine exclusif d’aucun peuple. Rattachons-nous à la comédie : l’originalité des essais comiques de l’Espagne contemporaine serait peut-être à nos yeux plus saillante et plus vive, si le théâtre représentait les mœurs étranges du temps de Gabriel Tellez et de Calderon, et ce ne serait là pourtant qu’une originalité artificielle et mensongère. Peut-être, si on s’arrête aux apparences, trouvera-t-on dans quelques peintures de mœurs populaires de Breton, dans quelques tableaux de coutumes andalouses de Rubi, une couleur plus marquée et plus distincte que dans Marcela ou dans la Rueda de la fortuna, et cependant ce n’est point dans ces esquisses qu’est le germe d’une nouveauté féconde. Le mérite des pauvres qui, au premier abord, semblent aujourd’hui plus effacées et
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