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rues pendant toute la nuit. L’éveil donné et ces précautions prises, toute tentative de désordre devenait impossible. Le calme commença donc à se rétablir. Les jours suivans, la garde nationale continua son service. Plusieurs de ceux qu’on soupçonnait avaient pris la fuite, d’autres furent arrêtés, et, s’il fallait en croire les bruits semés, les noms de quelques porporati se trouveraient compromis dans l’instruction commencée sur toute cette affaire.

En de semblables circonstances, le peuple met promptement en avant des noms propres et n’hésite pas à porter les accusations les plus graves. Nous nous garderons d’affirmer que telle on telle éminence ait de sa propre bourse soudoyé les émeutiers. Nous nous contenterons de mentionner deux faits d’une signification assez précise : monsign. Grassellini, gouverneur de Rome, a été destitué le 17 au soir et a reçu l’ordre de quitter la ville dans les vingt-quatre heures. Il est parti pour Naples. C’est un séculier, le juge fiscal Morandi, qui a été choisi pour lui succéder. Le cardinal Lambruschini, qui depuis quinze jours, retiré à Civita-Vecchia, occupait ses loisirs à doter et à marier les jeunes filles de son diocèse, a subitement interrompu ces occupations patriarcales et s’est embarqué pour Gènes. On ne dit pas si c’est de son propre mouvement.

La destitution de monsign. Grassellini a été le premier acte politique du cardinal Ferreti, qui remplace le cardinal Gizzi dans les fonctions de secrétaire d’état. Le nouveau ministre aurait mis pour condition à son entrée au pouvoir la faculté de faire dans le personnel de l’administration tous les changemens que réclament les circonstances, et dont nous signalions dernièrement la nécessité. Il apporte aux affaires un caractère résolu et énergique, une réputation bien établie de vertu et d’honnêteté. D’abord évêque de Rieti, il fut nommé nonce à Naples, et donna pendant les ravages du choléra l’exemple de la plus noble et la plus intrépide conduite, servant les malades de ses propres mains, prodiguant de tous côtés les secours, parcourant les rues la bourse à la main, si bien qu’à la fin de l’épidémie le cardinal se trouvait aussi pauvre qu’un lazzarone. Le caractère doux et élevé de Pie IX trouvera un utile auxiliaire dans la fermeté du cardinal Ferreti, en même temps qu’il lui servira de modérateur. C’est au milieu des agitations de la journée du 15 que le nouveau ministre a fait son entrée dans Rome, vers onze heures du soir, à la lueur des torches et au milieu d’une foule immense, qui, apprenant son arrivée inopinée, s’est portée sur son passage et l’a accompagné de ses acclamations depuis la porte del Popolo jusqu’à la place du Quirinal. C’est le cardinal Fieschi, de la plus haute noblesse de Gènes, et dont on loue la capacité et les bonnes intentions, qui est nommé, à la place du cardinal Ferreti, délégat de Pesaro.

Ainsi a pris fin l’intérim qui durait depuis la démission du cardinal Gizzi. On doit s’en féliciter. L’entrée en fonctions du secrétaire d’état amènera celle du conseil des ministres ; la garde nationale achèvera promptement de s’organiser, et les affaires reprendront leur cours ordinaire. Ces situations violentes ne peuvent se prolonger sans péril. Cependant, nous tenons à le constater, pendant quinze jours que le gouvernement s’est trouvé suspendu et que l’initiative ne partait plus des corps légalement constitués, aucun désordre ne s’est produit, aucun attentat contre les personnes ou contre les propriétés n’a été commis. Le peuple a déployé un bon sens remarquable, et l’attitude de ses chefs a témoigné de la droiture de leurs intentions ; ils ont prouvé qu’ils ne dé-