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siraient et ne demandaient que l’exécution des promesses du gouvernement. Assurément, tous ceux qui s’intéressent à leurs efforts et au triomphe de leur cause, et ils savent que nous faisons profession d’être de ce nombre, ne cesseront d’engager les représentans du parti modéré à se rapprocher de plus en plus des formes légales dans lesquelles s’exerce l’action des peuples constitutionnels, et à sortir des voies arbitraires dans lesquelles ils ont été malheureusement forcés jusqu’ici de se mouvoir. Ils ont aujourd’hui dans la garde nationale une garantie importante ; qu’ils l’emploient à maintenir la tranquillité publique et à substituer aux réunions tumultueuses des manifestations plus régulières. Le régime de la presse est assez libéral pour qu’ils puissent se passer de publications clandestines, dernier reste du régime des conspirations et des sociétés secrètes. Qu’ils n’oublient pas que c’est par les voies légales et pacifiques, les discussions sérieuses, le droit de pétition et de remontrance exercé avec mesure, qu’ils triompheront de leurs adversaires. Ces derniers le savent bien ; aussi ont-ils voulu transporter la question sur un autre terrain. Heureusement leur tactique, une fois mise au jour, peut être déjouée.

Cependant beaucoup d’esprits, en Italie, se préoccupent et s’effraient de la possibilité d’une intervention étrangère. Pour cette intervention, il faut sinon un motif, du moins un prétexte. Il est possible qu’on cherche à en faire naître, mais les Italiens sont avertis, et il nous semble qu’il dépend d’eux, jusqu’à un certain point, de ne pas le fournir à leurs ennemis. Ceux-ci croyaient-ils l’heure venue, espéraient-ils donc provoquer, par une sédition à Rome, le casus faederis qu’on prétend secrètement stipulé entre les cours de Vienne et de Naples pour le maintien du statu quo en Italie ? Il ne faut pas oublier que, le 16, un bataillon de Croates parti de Vérone, un escadron de cavalerie hongroise et trois pièces d’artillerie légère, sont arrivés à marches forcées à Lago Scuro, sur les rives du Pô ; ces troupes ont passé le fleuve et ont fait leur entrée le lendemain matin à Ferrare, bannières déployées, mèche allumée et la baïonnette croisée. Dans cet appareil de guerre, elles ont affecté de faire le tour de la ville en traversant les rues principales et la place publique, et se sont ensuite retirées dans la forteresse et dans les deux casernes que l’Autriche s’est réservé d’occuper à Ferrare par le traité de Vienne. Cette démonstration a été accueillie par la population avec étonnement et dédain. Quelques cris de vive Pie IX ! se sont fait entendre, et le cardinal-légat a expédié un courrier chargé de porter cette nouvelle à Rome. Personne ne conteste au gouvernement autrichien le droit de renforcer sa garnison de Ferrare, s’il le juge à propos ; il est seulement permis de se demander quel pouvait être le but de cet appareil insolite : pour quelle raison l’Autriche opère-t-elle des mouvemens de troupes dans le Mantouan ? pourquoi s’est-elle fait céder, en vertu d’on ne sait plus quel vieux traité tombé dans l’oubli, deux petites îles qui commandent à Brescello le passage du fleuve ? pourquoi enfin cette entrée à Ferrare se rapporte-t-elle ainsi, jour pour jour, à l’époque des troubles qu’on présumait devoir éclater à Rome le 17 ? Est-ce de l’intimidation qu’on a voulu faire et contre qui ? Contre les princes ou contre les populations ?

Dans tous les cas, la conduite de la France ne saurait être douteuse. Si l’Autriche mettait le pied et prenait des positions militaires dans des parties de l’Italie reconnues indépendantes par les traités, si elle entendait établir garnison dans Rome, notre gouvernement devrait répondre à de semblables desseins par les