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peuple exècre la coalition des partis réunis pour combattre le cabinet, cette combinaison effrontée et contre nature d’intérêts, de liaisons, d’opinions opposées, cette attaque sauvage contre les sentimens, la paix, la santé, la vie même du roi ; qu’on rend justice au zèle, à l’intégrité, à l’équité, à la parfaite harmonie qui distinguent le ministère, à son esprit d’économie, à l’habileté avec laquelle il a su trouver les ressources exigées par les circonstances. « Tels sont, lui dit-il enfin, les traits caractéristiques de votre administration. Et en quoi donc est-elle défectueuse ? Pour parler comme d’autres, je dirai : en puissance oratoire, elle n’a pas ce don de perdre du temps, et des paroles qui se trouve invariablement là où manquent le fond solide et la faculté de marcher en avant… Vous avez été appelé au poste que vous occupez par le choix du roi lui-même ; vous êtes le ministre de son choix et de sa confiance particulière. » C’est ainsi que s’exprimait Warren Hastings, c’est ainsi qu’il comprenait le gouvernement parlementaire. Sa haute intelligence, obscurcie par les habitudes despotiques qu’il avait contractées dans l’Inde et par le ressentiment bien naturel que son procès lui avait laissé contre tous les hommes éminens de la chambre des communes, méconnaissait la constitution et les mœurs de l’Angleterre au point de faire un mérite à Addington d’être arrivé au pouvoir par le seul fait de la volonté royale ; dans sa haine pour la liberté et pour ses plus brillantes manifestations, il allait jusqu’à confondre la haute et grande éloquence avec la vaine déclamation, jusqu’à n’y voir, comme le vulgaire, qu’un frivole talent d’agrément, plus nuisible qu’utile à la chose publique, jusqu’à oublier qu’elle tient par des liens intimes aux plus grandes facultés de l’ame et de l’esprit, et que, sous une forme quelconque, elle a toujours été un des élémens essentiels de ces organisations puissantes appelées à dominer ou à transformer les nations.

Tôt ou tard Addington devait succomber, parce que les forces qui le soutenaient n’étaient pas de nature à prévaloir bien long-temps sous un régime constitutionnel et dans les conjonctures où l’on se trouvait alors. Ce qui retarda sa chute, c’est que les partis si divers qui le combattaient hésitaient à s’unir franchement contre lui. Les tristes souvenirs de la grande coalition qui, vingt ans auparavant, avait si mal réussi à Fox, se dressaient devant eux comme un épouvantail. Long-temps ils n’eurent entre eux aucune communication. Repoussant avec une sorte de terreur ce mot de coalition dont les partisans du gouvernement s’efforçaient de stigmatiser leur alliance tacite, ils prétendaient un peu puérilement que ce n’était qu’une coopération. Lors même que lord Grenville et ses amis se furent enfin décidés à se concerter directement avec Fox, Pitt, tout en s’efforçant de pallier ou d’excuser cette démarche, tout en parlant avec une aigreur extrême des torts du ministère, dont elle était, suivant lui, le résultat presque nécessaire, continua à