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Lord Sidmouth, ainsi écarté, en conçut un vif dépit. Il se rapprocha de ces mêmes whigs avec qui il s’était si peu accordé lorsqu’ils siégeaient ensemble dans le cabinet. Pendant plusieurs années ; on le vit s’unir à eux, par ses discours comme par ses votes, dans la plupart des attaques qu’ils dirigèrent contre le ministère tory. Le bombardement de Copenhague en pleine paix, les fameux ordres du conseil qui, en représailles des décrets impériaux de Berlin et de Milan, supprimaient, au préjudice des neutres, jusqu’aux derniers restes de la liberté des mers, trouvèrent en lui un censeur rigoureux qui les dénonça à l’indignation publique comme également contraires à l’honneur et aux intérêts de la Grande-Bretagne. Il parla aussi en termes très sévères des fausses combinaisons qui avaient préparé le désastre de Walcheren et les premiers revers de la guerre de la Péninsule. Il blâma comme mal conçus, comme insuffisans, les plans militaires et financiers adoptés pour la défense du pays. Il ne craignit même pas, lui qu’on avait vu jadis condamner comme un sacrilège tout ce qui pouvait affliger ou troubler l’esprit affaibli du roi, il ne craignit pas d’appuyer de son influence le vote de censure proposé contre son fils chéri, le duc d’York, à l’occasion du système de corruption qui s’était introduit dans l’administration supérieure de l’armée, dont ce prince était le commandant en chef.

Bien que, sur presque tous ces points, l’opposition eût raison contre le ministère, il est probable que lord Sidmouth, avec les habitudes de son esprit et la direction générale de ses idées, en eût jugé tout autrement sans les motifs de mécontentement personnel que lui avaient donnés les dépositaires du pouvoir. Il ne faut pas croire pourtant qu’il se rendît compte à lui-même de son inconséquence. Sa correspondance prouve qu’à l’époque dont nous parlons, les discours qu’il prononçait à la chambre des lords exprimaient bien réellement sa pensée. L’affaire de Copenhague paraît surtout lui avoir inspiré la plus véhémente indignation. Il y revenait sans cesse en écrivant à ses amis, et il semblait ne pouvoir trouver de termes assez emphatiques pour flétrir la conduite du ministère.


« On a (dit-il dans une de ces lettres), on a conseillé au roi de la Grande-Bretagne de déclarer à ses propres sujets et à tous les peuples civilisés que l’état actuel du monde a annulé toutes les obligations de la bonne foi et effacé la loi des nations, et qu’à l’avenir il considère comme son devoir d’imiter la perfidie, l’iniquité, la rapacité de notre adversaire. Lorsque ce système aura été sanctionné par le parlement, l’Angleterre ne sera plus que le cadavre pourri d’un corps animé jadis par une ame grande et vertueuse. Quand je mourrai, on trouvera le nom de Copenhague gravé au fond de mon cœur. Nous avons accompli un acte qui fera désormais citer notre nom parmi les plus pervers. »

Dans une autre lettre, il s’exprime ainsi sur le même sujet :

« Nous avons tenu une conduite qui, loin de servir nos vrais intérêts, nous