rendra pour l’univers un objet d’exécration et nous couvrira de honte à nos propres yeux. Nous serons bientôt comme les Israélites, la main levée contre tout homme et celle de tout homme levée contre nous. Au lieu d’imiter la vigueur et la persévérance de notre adversaire, nous risquons de devenir les faibles et misérables copistes de sa rapacité et de son injustice. Je n’ai jamais jusqu’à présent désespéré de mon pays, je n’en désespérerai pas encore jusqu’à ce que la détestable doctrine qui nous enseigne à combattre Bonaparte par ses propres armes, je veux dire celles de la force dépourvues du droit, celles de la convenance momentanée sans égard à la justice, ait été sanctionnée par le parlement… Maintenant la puissance constitue le droit : nous avons porté le coup mortel à tout ce qui restait de la loi des nations. Notre magnanimité et notre honneur ont été sacrifiés à nos convenances et à nos craintes, et Bonaparte a ajouté à tous ses trophées celui d’une victoire remportée sur la bonne foi et le caractère moral de la Grande-Bretagne. »
C’était là un singulier langage pour un tory ; à l’éloquence près, Fox, s’il eût encore vécu, n’aurait pas mieux dit. À cette époque, lord Sidmouth n’était plus séparé des whigs que par son opposition absolue à l’émancipation catholique. La pensée de cette grande réforme avait fait depuis peu des progrès qui semblaient en annoncer la prochaine victoire. Elle partageait presque également la chambre des communes, et dans le cabinet même elle comptait plus d’un partisan avoué. Lord Sidmouth, inébranlable dans ses vieux préjugés, luttait de toutes ses forces contre le torrent, et essayait, non pas de convertir les whigs à ses idées, — il en comprenait l’impossibilité, — mais de leur persuader de ne pas ressusciter une question qui faisait obstacle à son union avec eux et à leur succès commun. N’ayant pu les en détourner, il combattit fortement dans la chambre haute une motion que lord Grenville avait faite dans le sens de l’émancipation, et que le ministère avait, à son gré, trop mollement repoussée. Son discours est le résumé de tous les sophismes auxquels l’intolérance avait recours pour se déguiser depuis qu’il ne lui était plus permis de s’avouer hautement et de marcher tête levée. Suivant lui, l’émancipation, utile seulement à un petit nombre de personnes, ne devait pas remédier en Irlande aux maux produits par l’état arriéré de la civilisation, la misère, l’ignorance et le fanatisme ; la religion réformée faisait partie intégrante de la constitution britannique, et la cause de l’une avait toujours été étroitement unie à celle de l’autre ; jamais, disait-il, on n’avait vu les protestans et les papistes s’accorder, dans un même état, pour l’exercice du pouvoir ; en Irlande, le nombre étant d’un côté, la propriété de l’autre, la concession de droits égaux serait un principe de lutte perpétuelle ; il y avait un grand danger à appeler au pouvoir politique des hommes soumis à une autorité étrangère ; les doctrines de l’église romaine n’avaient pas cessé d’être hostiles à toute espèce de liberté et de progrès ; on ne refusait d’ailleurs aux catholiques ni la tolérance la plus complète, ni