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gagnait sans cesse du terrain, Huskisson, président du bureau de commerce et appartenant, comme Canning, à cette fraction du torysme qui devait frayer la voie au retour des whigs, opérait ses grandes réformes commerciales. Peel, enfin, faisait voter l’abrogation ou l’adoucissement des lois barbares qui souillaient encore le code pénal de l’Angleterre.

Un esprit nouveau pénétrait ainsi de toutes parts dans les conseils britanniques. Il s’en fallait de beaucoup, pourtant, que tous les ministres s’y laissassent entraîner. Lord Eldon, qui, déjà octogénaire et pliant sous le fardeau des immenses attributions de la chancellerie, exprimait sans cesse depuis dix ans des projets de retraite dont il différait toujours l’accomplissement, lord Eldon, et avec lui plusieurs de ses collègues, se raidissaient de toutes leurs forces contre l’invasion des idées nouvelles. La modération conciliante de lord Liverpool maintenait une sorte d’accord dans le cabinet, mais une attaque d’apoplexie l’ayant forcé, au commencement de 1827, à quitter la direction des affaires, la rupture éclata aussitôt. Canning, appelé, moins par la préférence du roi que par la force des choses, aux fonctions de premier ministre, dut chercher dans une alliance avec une partie des whigs l’appui que lui refusaient les vieux tories. Quelques mois s’étaient à peine écoulés, que la mort presque soudaine de ce brillant homme d’état vint détruire une combinaison à peine essayée. Il n’est pas certain qu’il eût lui-même la force de la faire réussir, tant elle présentait de difficultés. Son successeur, lord Goderich, y échoua complètement, et bientôt les tories revinrent au pouvoir. Le duc de Wellington comme premier lord de la trésorerie, Robert Peel comme secrétaire d’état de l’intérieur, étaient à la tête du cabinet. Lord Eldon n’y fut point admis, et, malgré son grand âge, il en éprouva autant de chagrin que de surprise. Lord Sidmouth vit avec peine l’exclusion du vieux chancelier. Suivant lui, l’absence de lord Eldon dans le nouveau cabinet devait inquiéter le parti qui accordait une confiance particulière à ce vétéran éprouvé du torysme. Ce n’était pas sa seule objection contre la composition du ministère : comme la plupart de ses amis, il trouvait qu’on ne l’avait pas organisé assez fortement, ce qui voulait dire sans doute que les adversaires systématiques de toute réforme n’y étaient pas assez représentés. Il pensait pourtant que tout le parti tory devait, sans distinction de nuances, l’appuyer contre l’ennemi commun.

Ces inquiétudes des vieux tories n’étaient pas dépourvues de fondement. Ils pressentaient, sans pouvoir s’y résigner, que leur parti allait subir une de ces transformations périodiques qui expliquent seules sa longue existence à travers tant de vicissitudes, qui lui permettent de garder presque constamment le pouvoir ; transformations qu’il ne peut accomplir qu’en se séparant de ceux de ses membres dont l’esprit étroit ou