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comprend qu’une fois à Mexico, nous ne nous séparâmes pas sans être convenus de nous revoir. Une partie de cartes, un tour de force d’équitation, c’étaient d’assez bizarres débuts, on l’avouera, pour une liaison formée avec un moine.

Des relations ainsi commencées promettaient d’être piquantes, et peu de jours après cette rencontre je me dirigeai vers le couvent de San-Francisco, qu’habitait mon compagnon d’aventures. Après cette première visite, je revins souvent, d’abord pour le franciscain, puis pour le couvent même, un des plus beaux du Mexique. Fray Serapio, il faut le dire, était rarement dans sa cellule ; mais son amitié m’assurait toujours un bon accueil dans le monastère, dont la bibliothèque offrait à mes recherches d’inépuisables trésors. La vie claustrale se montra ainsi à moi tour à tour facile et riante sous les traits joyeux du franciscain, ou sévère et morne dans les poudreuses archives du couvent. Il y avait là une double étude à faire, et le cloître de San-Francisco ne devait pas lasser promptement ma curiosité.

Aucune des communautés religieuses disséminées sur le sol du Mexique n’est aussi riche, aussi puissante que celle de Saint-François. Le vaste emplacement qu’occupent les couvens de franciscains, les murailles épaisses qui les entourent, les dômes nombreux qui les couronnent, indiquent assez l’ordre souverain, celui dont, pour ainsi dire, relèvent tous les autres. Le monastère où le hasard m’avait introduit est à la fois digne de la communauté qui l’a fondé et de la capitale qui le compte parmi ses plus remarquables monumens. La rue de San-Francisco, qui mène au cloître de ce nom, est la continuation de la rue commerçante et fréquentée des Plateros. Le cloître, heureusement situé dans une des parties les plus animées de la ville, s’élève à l’extrémité de la rue San-Francisco et s’étend jusqu’à l’entrée de l’Alameda. Des murs épais, flanqués de contreforts massifs, donnent au couvent l’aspect d’une forteresse. Toutefois des clochers élancés et cinq coupoles de faïence émaillée, qui couronnent autant de chapelles, indiquent la pieuse destination de l’édifice. On arrive à la principale des cinq chapelles par une vaste cour dallée, toujours encombrée de curieux, de visiteurs, de fidèles ou de pauvres. Au-delà de cette première cour s’étend l’enceinte réservée aux moines. Des cloîtres gigantesques ornés de bassins à vasques de jaspe blanc, des jardins, des cours, la riche bibliothèque, neuf dortoirs, trois cents cellules, un réfectoire où trois cents convives peuvent trouver place, composent un ensemble à la fois imposant et magnifique, qui remplit et dépasse même l’attente excitée par l’aspect extérieur du couvent[1].

  1. Le révérend père fray Agustin de Betancurt, qui a fait pour Mexico ce qu’a fait Sauval pour le vieux Paris, décrit au long toutes les richesses du couvent de Saint-François de Mexico, et raconte les légendes qui se rattachent à la fondation de cet édifice. On peut consulter à ce sujet le rare et curieux ouvrage qu’il a publié à Mexico en 1698 sous ce titre : Tendro Mexicano.