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pas plausible ? Qu’on réfléchisse un peu sérieusement toutefois. Qui avait une défaite à venger ? Qui avait intérêt à employer tous les moyens pour que l’union de la reine portât de mauvais fruits ? Qui a commencé de flétrir la jeune Isabelle par d’ignobles récits, d’autant plus odieux qu’ils ne reposaient alors sur aucun fondement ? De qui le général Serrano est-il notoirement le protégé ? Qui vient proposer encore aujourd’hui d’ajouter aux scandales qui préoccupent si cruellement l’Espagne le nouveau scandale d’un divorce ? Et qui, en définitive, s’applaudit au fond du cœur de tout ce qui arrive ? Il suffit de poser ces questions ; on verra qu’il y avait deux intérêts en présence : l’un, commun à l’Espagne et à la France, et qui consistait dans la bonne harmonie entre Isabelle et don Francisco ; l’autre, qui est celui de l’Angleterre, et qui devait profiter de leur désunion. C’est ce dernier intérêt qui semble triompher aujourd’hui au milieu des ruines des espérances de l’Espagne. Et croyez bien qu’il ne se laissera pas détourner de son but : lorsque tout le monde désire une convenable réconciliation des époux royaux, le Times ne poursuivait-il pas encore récemment leur divorce ?

Nous croyons donc fermement à l’intervention constante, active, de l’ambassadeur anglais dans la crise qui travaille actuellement l’Espagne ; nous la tenons pour certaine. Malheureusement M. Bulwer a été bien servi par les circonstances, par l’antagonisme des partis, qui, en se neutralisant, ont empêché la force des institutions de triompher d’une intrigue, par la faiblesse d’un ministère sans caractère politique, sans racine dans le pays, qui, après s’être glissé subrepticement au pouvoir, n’a trouvé d’autre moyen d’y rester que de chercher un appui dans les influences désastreuses qui entourent la reine Isabelle. Le cabinet Pacheco-Salamanca n’a point réussi à accomplir ce rapprochement entre les époux royaux qui est aujourd’hui l’unique question en Espagne, et nous ajouterons qu’il ne pouvait point réussir. Des difficultés immenses pèsent sans doute sur ceux qui lui succéderont et qui auront pour premier devoir de résoudre ce périlleux problème ; mais il reste du moins quelques chances : entre leurs mains, les négociations peuvent reprendre leur dignité ; elles ne sont point une dérision ou une injure pour les princes si fatalement divisés. Il n’en était pas de même, à notre avis, de celles que conduisait le ministère Pacheco ; la nature de ses précédens rendait pour lui et pour l’Espagne même la situation sans issue. Il serait hors de propos maintenant de discuter le système politique que M. Pacheco prétendait appliquer à la Péninsule en le substituant aux doctrines, du parti modéré pur, qui descendait du pouvoir, et à celles du parti progressiste, qui n’y pouvait aspirer ; cela serait d’autant plus inutile que la formation de son ministère n’a eu, selon nous, rien de politique, et qu’elle se rattache au contraire aux plus misérables détails de cette triste affaire