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du palais. L’origine du cabinet Pacheco-Salamanca, d’ailleurs, est plus soupçonnée que véritablement connue peut-être : On a fait bien des versions ; nous essaierons aussi la nôtre, parce qu’elle sert à expliquer comment la question actuelle a pu entrer dans cette phase honteuse où on la voit aujourd’hui.

Le cabinet de M. le duc de Sotomayor, on peut s’en souvenir, peu après son arrivée au pouvoir, avait très nettement jugé la situation, et, dans une pensée qu’on ne saurait trop louer, dans une pensée vraiment politique, par un mouvement spontané d’honnêteté et de prudence, il avait enjoint au général Serrano de quitter Madrid et d’aller prendre un commandement en Navarre. Cette mesure coïncidait, du reste, avec d’autres précautions très explicables prises au sein du palais même pour laisser la reine Isabelle à sa propre direction, pour éloigner d’elle les influences indignes qui commençaient à se manifester, et auxquelles, par malheur, elle ne paraissait pas résister beaucoup, pour couper court, en un mot, à toute communication, de quelque genre qu’elle fût. C’était arrêter avec une sage hardiesse les complications au début, et peu s’en fallut que le général Serrano, réduit à donner l’explication publique de sa conduite devant le sénat, ne vînt échouer devant la droiture et la sagesse du gouvernement. Mais il est bien vrai qu’on n’avait pas pu tout prévoir, et, pendant que le sénat instruisait sur le refus que M. Serrano avait fait de partir, comme il en avait reçu l’ordre, il se trouva qu’une personne, jusque-là fort étrangère à la politique, qu’on ne pouvait soupçonner d’un pareil rôle, dut être admise auprès de la reine ; si l’on veut des détails plus précis, c’était pour obtenir d’Isabelle qu’elle assistât à une fête du Lycée. Il se trouva aussi que cette personne, après avoir remis son invitation, glissa discrètement un papier que la reine ne refusa point. Ce papier, quel était-il ? C’était ni plus ni moins qu’une lettre du général Serrano, qui avait eu le temps de se reconnaître et de voir M. Bulwer, lequel l’avait aidé à s’entendre avec M. Salamanca et M. Pacheco. Cette lettre, dit-on, était pleine de dévouement pour la reine, et lui démontrait, dans l’intérêt bien visible de la monarchie, la nécessité de changer de ministres ; elle indiquait les personnages que nous citions comme devant être appelés au pouvoir ; on ajoute même que M. Serrano parlait de quelque acte de désespoir, d’un suicide peut-être, s’il était abandonné, si bien que le lendemain M. le duc de Sotomayor et ses collègues étaient destitués après avoir refusé de donner une démission qui eût été une insulte à la confiance du parlement, et que le nouveau ministère était formé. Le cabinet Pacheco-Salamanca était ainsi, on peut le dire, le résultat d’un concert entre le général Serrano, M. Bulwer et M. Salamanca, principalement empressé d’arriver au pouvoir, où il portait une fortune ébranlée. Il est inutile d’ajouter que, dès ce moment, le général Serrano