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vrai cependant que les milices nationales, bien plus que l’armée, on été les auxiliaires de toutes les séditions, sans distinction de couleur politique du reste, qu’il s’agît d’élever Espartero ou de le renverser ? Ce programme n’a été heureusement qu’une promesse ; le général Serrano, qui a conservé un fâcheux souvenir de l’ancien régent, contre lequel il s’était le premier soulevé en 1843, a tout simplement craint de préparer son retour, et le parti progressiste déçu, se rejetant dans une alliance avec la faction carliste, a tourné ses efforts vers une conspiration centraliste qui s’ourdit en ce moment. Les tentatives du parti révolutionnaire échoueront sans aucun doute, de même que les bandes montemolinistes qui désolent la Catalogne, pillent les trésors des villes, saccagent les villages, fusillent de malheureux prisonniers sans défense et renouvellent les horreurs dont Cabrera épouvanta le pays de Valence, seront vaincues dès que le pouvoir sera dans une main ferme et résolue. Cependant il est impossible de ne pas faire une réflexion : c’est combien tous les instincts de désordre et d’anarchie sont prompts à se réveiller en Espagne, combien l’incertitude est encore une condition normale pour ce pays, combien l’avenir de la monarchie constitutionnelle est chose douteuse, puisque les princes et les partis sont chaque jour à lutter d’inconséquence, d’égaremens et de folies extrêmes !

On le voit aisément, cette triste question du palais touche à toutes les questions en Espagne ou plutôt elle les domine. Caprice ou folie légère au début, elle en est venue, par le caractère qu’on lui a laissé prendre, à ébranler tous les ressorts sociaux et politiques, à compromettre l’œuvre de la régénération de la Péninsule, à faire vibrer toutes les passions, à décourager tous les sentimens honnêtes, et elle est posée de telle sorte aujourd’hui, que ceux-là mêmes qui se trouvent dans les meilleures conditions pour la résoudre sont par la force des choses mis en présence de difficultés de l’ordre le plus grave. La première de toutes, sans contredit, consisterait en ce que le roi refusât de rentrer au palais, même lorsque le général Serrano serait éloigné de l’Espagne, et maintînt le délai qu’il a fixé avant tout rapprochement. Le général Narvaez arrive à Madrid maître de la situation. Son influence est assez grande pour qu’il puisse renouer avec succès des négociations étourdiment conduites jusqu’ici, et obtenir du roi don Francisco un retour qui serait aujourd’hui moins un acte de faiblesse qu’une satisfaction donnée à l’intérêt public. Il se formerait sans doute, dans ce cas, sous la présidence du général Narvaez, un ministère modéré, énergique et puissant, capable de réprimer toutes les tentatives de révolte et de reprendre l’œuvre d’organisation qui avait été commencée par MM. Mon et Pidal. La force de ce cabinet serait à peu près irrésistible dans l’état actuel de l’Espagne. Si les obstacles qui séparent la reine et le roi ne pouvaient être aplanis, si un rapprochement ne