Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 19.djvu/953

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tain, comme on l’a dit, qu’une note dans ce sens ait été adressée au cabinet de Vienne, bien qu’une polémique assez aigre entre la Gazette piémontaise et le journal officiel de Milan en ait donné l’espérance à Turin. L’agitation est grande en Piémont, surtout dans l’armée, ce qui est un symptôme considérable pour qui connaît le caractère méthodique et froid des Piémontais. Cette attitude du Piémont ne sera pas sans influence dans la question actuelle ; il faut la constater comme l’indice d’une tendance vers la seule politique qui convienne à l’Italie : nous voulons parler d’une alliance défensive qui, en mettant les souverains de la péninsule à couvert de l’influence étrangère, établirait entre eux une certaine solidarité dans l’accomplissement des réformes pacifiques et progressives. En unissant sa cause à celle du reste de l’Italie, le roi Charles-Albert servirait tout ensemble les intérêts de son pays et se montrerait fidèle aux traditions de la maison de Savoie. Le Piémont a une armée de 52,000 hommes en temps de paix, qui, sur le pied de guerre et en appelant sous les drapeaux les bataillons provinciaux, peut être promptement portée au double ; qu’on ajoute à cela une marine déjà respectable, des finances en excellent état et une administration qui compte dans son sein des hommes véritablement distingués : que manque-t-il donc au Piémont pour prendre une plus grande part d’influence dans les affaires italiennes ? Un peu plus de décision et une contenance assez ferme pour inspirer désormais plus de confiance à la péninsule.

À côté du Piémont, les états de Parme, de Modène et de Lucques sont complètement soumis à l’influence du cabinet de Vienne ; l’archiduchesse Marie-Louise administre pour l’empereur Ferdinand ; Modène est la citadelle et le chef-lieu du parti rétrograde, et l’imprudent souverain de Lucques semble s’appliquer à soulever ses sujets par ses caprices tyranniques et à ouvrir de ce côté une porte à l’intervention autrichienne. L’importance de ces petits états est peu considérable, et leur opposition ne serait pas très dangereuse, s’ils ne constituaient pour leurs voisins une cause permanente de troubles, ainsi qu’il est arrivé récemment encore à l’occasion des massacres de Parme. En Toscane, l’opinion libérale trouve un plus sûr appui. Le grand-duc a donné des gages de ses bonnes dispositions, et la droiture de son caractère ne peut être révoquée en doute. Les concessions qu’il a faites à l’opinion ont été spontanées, et il a su s’identifier franchement avec les intérêts de son peuple. Quant au roi de Naples, il serait injuste de ne pas reconnaître l’importance des réformes économiques qu’il vient d’introduire dans ses états, surtout si on tient compte des difficultés de sa position vis-à-vis de l’Autriche, et rien ne peut faire douter un jour ou l’autre de son adhésion à l’alliance italienne. Jamais les circonstances ne furent donc plus favorables pour cette union, garantie essentielle de l’indépendance nationale, comme l’union des populations avec les gouvernemens est la seule garantie de la liberté.

C’est en posant ce principe que le parti modéré a rendu moins épineuse la tâche des gouvernemens italiens, en même temps qu’il a mis ceux du dehors en demeure de se prononcer en sa faveur, s’ils veulent sauver la cause de l’ordre et du progrès, et, à ce point de vue, on n’a peut-être point assez apprécié les services rendus par ce parti dans les derniers événemens. Grace à ses efforts et à son influence, le gouvernement du pape a pu conserver jusqu’à présent, dans