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de Paris, les Femmes de la Bible, dessinées et gravées par nos meilleurs artistes.

L’exégèse, la critique sacrée, qui soulève encore en Allemagne des polémiques brûlantes et qui forme l’une des branches les plus importantes de notre ancienne littérature religieuse, n’a rien produit chez nous qui mérite d’être noté. On a vécu sur les anciens auteurs, Guenée, Nonotte et Bergier. L’église de France, qui, dans l’origine, prit part à toutes les grandes luttes, qui combattit Arius par saint Hilaire de Poitiers, Pélage par saint Germain, Luther et Calvin par Bossuet, l’église de France semble aujourd’hui désarmée dans la guerre que la science sceptique livre à la tradition. Elle a laissé passer sans réponse, sans réfutation sérieuse, l’ouvrage le plus menaçant peut-être qu’on ait écrit depuis Voltaire, la Vie de Jésus, du docteur Strauss. C’est là un grave symptôme d’indifférence ou d’impuissance. On se détourne des hautes questions pour escarmoucher dans des polémiques compromettantes. Les ouvrages sur l’Écriture sainte, sur les points fondamentaux du christianisme, figurent dans la bibliographie contemporaine pour une moyenne de vingt-cinq par année, et cette moyenne est de beaucoup inférieure à celle des livres écrits en faveur de l’ultramontanisme, des jésuites et des petits séminaires. Faut-il conclure de ce rapprochement que, même en religion, les intérêts actuels et mondains ont le pas sur les intérêts éternels ?

La seconde subdivision de la littérature religieuse se compose de la liturgie, qu’on peut subdiviser elle-même en trois sections : l’une historique, l’autre purement théologique, contenant les livres du culte ; la troisième littéraire et toute mondaine, dans laquelle nous placerons les prières poétiques et les cantiques.

Mabillon et dom Martène, entre autres, ont montré quel parti on peut tirer de l’ancienne liturgie pour l’histoire des mœurs, des croyances et des arts ; mais cette étude, exclusivement cultivée par les hommes savans des ordres religieux, était complètement abandonnée depuis plus d’un siècle. Elle a repris faveur dans ces derniers temps. Les bénédictins, qui se sont reconstitués à Solesmes depuis la révolution de juillet, ont publié les Institutions liturgiques ; les archéologues, de leur côté, ont étudié avec grand soin tout ce qui se rattache aux vêtemens sacerdotaux, aux objets servant à la célébration du culte, aux cérémonies ecclésiastiques, et de la sorte ils ont posé, vers 1834, les bases d’une branche nouvelle de l’érudition à laquelle on a donné le nom de symbolique chrétienne.

Les livres destinés aux usages du culte forment une librairie exceptionnelle placée sous la tutelle du clergé, nécessairement soumise à sa censure et exploitée par lui conjointement avec les éditeurs. On sait en effet que dans chaque diocèse il existe an libraire qui, moyennant privilège, est autorisé par l’évêque à reproduire, à l’exclusion de tous autres, les livres d’offices et de prières. De récens débats judiciaires nous ont appris que ce privilège est quelquefois payé par un versement à la caisse diocésaine, ce qui donne matière à procès et peut exposer le clergé au reproche de simonie, lorsqu’on le voit prélever ainsi indirectement une sorte de droit d’auteur sur les prières de saint Ambroise et des docteurs du moyen-âge, qui certes ne songeaient pas à se faire payer leurs hymnes, fût-ce même pour en répandre les profits en aumônes. Toujours lucrative,