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tous les princes allemands. Ils saisissent avec empressement cette occasion nouvelle de rappeler les promesses de 1813, si vite et si rudement démenties. — Le même Observateur autrichien, qui incriminait hier tous les mouvemens spontanés des peuples, qui parlait hier si dédaigneusement de l’opinion publique, en appelait aux peuples dans son numéro 23, de l’année 1813, comme aux alliés naturels des puissances armées, et ces puissances proclamaient à Kalisch que quiconque ne s’unirait point à elles « serait anéanti par la force de l’opinion. » Le même empereur François, qui disait en 1821 que le monde déraisonnait lorsqu’il demandait des constitutions, avait dit en 1815 : « La ferme volonté du monarque, c’est de voir l’esprit propre à chacune des différentes nations de l’empire s’enrichir et se développer librement par une éducation meilleure, par une plus grande franchise de la presse, par un plus haut enseignement, par un emploi plus large des trésors de la culture étrangère. » — On somme aujourd’hui l’Autriche de prouver l’usage qu’elle a fait de ces belles maximes dans ses rapports avec l’Italie. On reconnaît qu’elle a protégé les intérêts matériels, construit des chemins de fer, ouvert un port franc à Venise, utilement surveillé la grande industrie lombarde, plus utilement encore modéré l’ascendant du clergé ; mais de ces aveux mêmes on tire parti pour montrer combien il sert peu de vouloir étouffer avec de pareilles satisfactions les besoins bien autrement vifs d’indépendance intellectuelle et morale. Qu’arrive-t-il en effet ? Ce gouvernement protecteur est, au dire même des Allemands et d’après les statistiques allemandes, poursuivi par une aversion toujours croissante. D’où vient ce progrès trop cruellement significatif, sinon de ce que le ressentiment d’une injuste nullité politique a gagné d’en haut jusqu’aux rangs inférieurs, et produit partout la désaffection ?

Il en est cependant, et ce ne sont pas les organes les moins fidèles de la vraie pensée allemande, il en est qui s’étonnent de cette désaffection et crient à l’ingratitude. L’Italie, disent-ils, a toujours été comme un champ clos où les gens du nord et du midi sont venus se battre ; le duché de Milan est depuis trois cents ans dans la maison d’Autriche, et l’Autriche est une puissance allemande. Il ne faut pas la laisser dépouiller ; il ne faut pas que les gibelins cèdent maintenant la place aux guelfes. Sans doute on ne peut refuser toute sympathie aux efforts du patriotisme italien ; mais l’intérêt de l’Autriche, c’est un intérêt germanique : on doit prendre garde de l’affaiblir en défendant trop chaudement la cause des nationalités. La politique pratique doit réfréner les emportemens trop généreux de la politique historique. On aime l’Italie comme on aime la Pologne ; il y a pourtant des fatalités supérieures à toutes les sympathies, et l’on sacrifierait son dernier homme et son dernier écu plutôt que de rendre jamais Posen à la nationalité polonaise, parce que Posen est indispensable pour couvrir la frontière prussienne. La puissance de l’Autriche en Italie n’est pas moins rigoureusement nécessaire pour protéger la frontière méridionale de l’Allemagne. Il y a plus entre l’Allemagne entière et l’Autriche, la solidarité est indissoluble, et vouloir diminuer l’Autriche dans la région du Pô, c’est menacer l’Allemagne sur le Rhin. La France, qui a jadis elle-même si fort maltraité l’Italie, serait aujourd’hui toute prête à y rentrer pour venir ensuite peser sur les peuples germaniques de tout le poids que lui donnerait encore une fois l’hégémonie des peuples latins.

Nous relevons avec quelque intention dans la Gazette de Brême cette singu-