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de l’exagération du patriotisme américain ; mais, cette part faite, on comprend encore que de pareils soldats se défendent mal devant les tireurs du Tenessee, et cependant l’orgueil du sang espagnol se refuse à plier sous le joug des Yankees. Comme il n’y a rien au Mexique qui soit organisé, rien de constitué, le pays en masse ne saurait présenter de résistance ; par la même raison, il ne saurait non plus accepter d’arrangement solide, et là où les individus échappent à toute contrainte, il n’y a point de fonds à faire sur une soumission générale ; le gouvernement mexicain fuit, pour ainsi dire, sous la main de ses vainqueurs, parce qu’il est tout entier dans l’autorité personnelle de tel ou tel chef, qui peut l’emporter avec lui partout où il ira.

Les Américains, de leur côté, paient la guerre à très haut prix : ils veulent apparaître sur le territoire mexicain en ennemis civilisés. Vivres, logemens, transports, ils ne prennent rien sans indemniser régulièrement les populations vaincues : celles-ci se trouvent fort bien d’être défrayées par les envahisseurs eux-mêmes, au lieu d’être pillées, comme d’habitude, par la soldatesque nationale ; mais les troupes américaines n’en sont pas moins obligées d’occuper militairement le pays, et, sans parler de la dépense, il y a dans la prolongation de ce système guerrier un danger sérieux pour la constitution républicaine des États-Unis. Les généraux prennent trop d’importance, et de bons esprits appréhendent que l’habitude de gouverner en pays conquis n’influe malheureusement sur ceux qui seront ensuite appelés, par leurs fonctions politiques, à gouverner leurs libres concitoyens. Les généraux en viennent maintenant à compter des partisans ; on se demande, par exemple, avec une certaine anxiété, si le brave Taylor est pour les whigs, et comme le vieux rough and ready observe jusqu’ici un silence très avisé, les démocrates veulent à toute force qu’il leur appartienne. Ce serait un cruel retour si l’extension du régime militaire allait compromettre la pureté des institutions civiles, et les Mexicains seraient bien vengés du gouvernement de Washington s’ils lui léguaient dans leur défaite les inconvéniens du leur.

Il y a là très certainement plus d’une raison de vouloir la paix. Aussi paraît-il que les frais de la guerre seront l’objet du débat capital dans le prochain congrès, et il est sûr aujourd’hui que l’opposition whig, c’est-à-dire le parti pacifique, sera en majorité dans la chambre des représentans. Les élections de l’Alabama, de l’Indiana, du Kentucky et du Tenessee ont procuré aux whigs une majorité qui ne peut pas être moindre maintenant de six voix, et dans le sénat, le tiers-parti de M. Calhoun (balance-party) est tout-à-fait animé contre les emportemens belliqueux de M. Polk. Quoi qu’il en soit néanmoins, il n’est pas plus aisé de décider la paix à Washington qu’à Mexico, et l’obstination plus ou moins volontaire avec laquelle Santa-Anna la repousse correspond assez bien à l’empressement plus ou moins sincère avec lequel le cabinet américain la propose. Whigs et démocrates, dans toute l’étendue de l’Union, sont naturellement préoccupés des approches d’une nouvelle présidence. La future session sera probablement remplie par les efforts que tenteront mutuellement les deux partis pour s’arracher la popularité. La question de la paix avec Mexico sera d’un grand poids dans la balance. Si le gouvernement traite en l’absence du congrès, la majorité whig, aussitôt réunie, incriminera son traité. Si la majorité whig, devenue maîtresse des affaires, conclut elle-même la paix, les démocrates, tombés en mino-