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ral de la Suisse ont le droit de surveiller, de juger, et, au besoin, de contrôler ce qui pourrait changer les relations consacrées par les traités.

Si, du reste, nous croyons devoir dire ici ce que nous pensons du principe de non-intervention, c’est uniquement pour établir le droit. Nous ne croyons pas qu’il soit en ce moment question de passer au fait ; nous ne croyons pas que le gouvernement français, pour sa part, ait le moins du monde l’intention d’intervenir actuellement dans les affaires de la Suisse. Son rôle doit être d’observer et d’attendre. Nous croyons aussi que la même attitude d’expectative sera gardée par les autres puissances, et que les mouvemens de troupes qui pourront avoir lieu sur les frontières ne devront être considérés que comme des mesures de précaution ; mais naturellement les résolutions des gouvernemens les plus particulièrement intéressés à telle ou telle révolution qui pourrait s’accomplir dans la constitution de la Suisse ne peuvent être déterminées que par les événemens ultérieurs, et par conséquent il serait superflu d’en faire le sujet d’hypothèses qui peuvent se trouver déjouées d’un jour à l’autre.

C’est ainsi que nous en sommes encore à savoir si décidément l’on se battra en Suisse. Il est bien vrai que depuis la dernière quinzaine, où nous exprimions encore l’espoir que la guerre civile n’éclaterait pas, les choses ont marché à grands pas. Nous devons donc avouer que nous voyons de jour en jour diminuer les chances d’une solution pacifique, car, quel que soit le degré d’estime que nous professions pour les radicaux, nous ne pouvons cependant croire qu’ils soient arrivés si près du Rubicon pour ne pas le passer. Toutefois, il faut leur rendre cette justice : ils n’ont pas l’air jusqu’à présent de marcher de fort bonne grace. On connaît l’histoire de ce Gascon que M. de Montluc avait condamné à sauter du haut d’une tour : « Monseigneur, disait-il, vous me le donnez en trois ; mais moi, je vous le donne en dix. » Les héros des corps francs sont un peu dans le même cas, et font à peu près la même figure. Il est clair que les gouvernemens radicaux eux-mêmes n’ont pas grande envie de s’en aller en guerre ; mais ils ne s’appartiennent plus, ils sont sous la domination des clubs, et, quand ils font mine d’hésiter, l’ours grogne et montre les dents. Il faut marcher.

Ils marchent donc, au milieu d’hésitations et de temps d’arrêt nombreux, c’est vrai, mais enfin ils avancent. La diète s’est ouverte, comme on sait, le 18. Les délégués des sept cantons catholiques ont traversé les rues de Berne au milieu d’une curiosité mêlée de respect. Dès la première séance, la question de la paix et de la guerre a été abordée. Zurich a proposé d’envoyer deux représentans fédéraux dans chacun des sept cantons de la ligue, et d’adresser une proclamation aux populations. Une seule voix, celle de Bâle-Ville, s’est élevée pour parler de conciliation ; mais elle prêchait dans le désert, et la proposition de Zurich a été adoptée par les 12 voix et 2 demies qui composent cette majorité sinistre.

L’attitude prise dès le premier jour par les représentans des petits cantons a prouvé de nouveau ce dont nul ne doutait, c’est qu’ils ne céderaient pas et ne reculeraient pas d’une ligne. Il y a un fait qui nous frappe dans toutes les luttes intestines de la Suisse, c’est qu’il ne s’y trouve malheureusement pas place pour un parti de conciliation, de composition, en un mot pour un parti de juste-milieu. C’est un grand mal. Il est certain, par exemple, que le gouvernement et le parti conservateur en France ne pourraient se rendre solidaires de toutes les idées du parti qui a en Suisse leurs sympathies, mais il est encore plus