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pour quelque temps. La leçon, d’abord, aura servi ; le commerce restreindra ses affaires, et quant aux chemins de fer, ils sont déjà suspendus sur beaucoup de points, et les appels de fonds ont diminué de 50 pour 100. On assure que sir Robert Peel aurait été d’avis de suspendre provisoirement l’acte de 1844, non pas qu’il y vit la véritable cause des embarras commerciaux, mais uniquement parce que cette mesure provisoire calmerait la panique, et qu’il est inutile de raisonner avec une panique.

S’il est vrai en effet que le mal fût simplement l’effet d’une panique, il passera ; mais s’il y a des causes plus réelles, plus profondes, on le verra bientôt reparaître, et alors le seul changement qui se sera opéré, c’est que l’état se sera engagé de plus en plus et se verra forcé, dans une nouvelle crise, ou d’étendre encore son crédit, ou de le resserrer subitement. Il aura fait comme tout le monde, il se sera endetté. Voilà ce que disent les alarmistes. Un avenir prochain montrera si leurs craintes étaient fondées.

En attendant, le gouvernement anglais, de moins en moins confiant dans ses propres forces, va faire appel aux conseils du parlement. Ce n’est pas seulement de l’acte de la banque que la législature aura à s’occuper ; la grande, l’éternelle difficulté, l’Irlande, est toujours là. Admettons qu’il n’y ait qu’une panique à la bourse ; il y a bien autre chose en Irlande. Une année se prépare, plus désastreuse, plus cruelle et plus épouvantable encore que celle qui s’achève. Cette fois encore, l’Irlande ne pourra pas nager toute seule. On a eu beau pressurer la terre, l’argent n’est pas venu, et il paraît impossible que le gouvernement anglais puisse faire traverser à l’Irlande la prochaine famine sans un nouvel emprunt.

La préoccupation de leur état financier et de leurs affaires commerciales a éteint chez les Anglais tout sentiment de jalousie à l’endroit des États-Unis. Quand on se rappelle avec quelle mauvaise humeur ils ont vu l’annexion du Texas, quelle inquiétude et quel ombrage ils ont manifestés lors de l’accession de cette force nouvelle à l’Union, on ne peut qu’être étonné de l’indifférence et de la résignation avec lesquelles ils suivent les progrès de la conquête du Mexique. Le fait est qu’ils ont pris leur parti de l’agrandissement inévitable des États-Unis. En ce moment, la Bourse est plus puissante que la politique ; on s’inquiète beaucoup plus à Londres du sort de Liverpool que de celui de Mexico. Les faillites qui ont jeté le trouble dans la Cité auront-elles eu leur contre-coup à New-York ? L’Amérique prendra-t-elle ou enverra-t-elle de l’or ? Les produits de Manchester seront-ils pris en échange des grains de l’Ohio ? Toutes ces questions sont beaucoup plus importantes à résoudre que de savoir si le général Scott est entré à Mexico.

Il y est entré, cependant, après un combat acharné, après une résistance plus honorable et plus glorieuse qu’on ne devait l’attendre du peuple mexicain. La race anglo-américaine accomplit ses destinées ; elle les accomplit d’une manière presque fatale, et plus vite peut-être qu’elle ne le voudrait. Jusqu’à présent, les Américains n’avaient poursuivi leur route sur la capitale du Mexique que dans l’espoir de forcer le gouvernement de la république à acheter la paix par une concession de territoire. Ils ont bien la pensée d’occuper un jour tout le Mexique, mais ils ne voudraient pas prendre tout à la fois ; ils aiment mieux l’absorber