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morceau par morceau. Aussi a-t-on vu, après chaque nouvelle victoire, le général Scott faire le premier les propositions de paix, et l’armée des États-Unis avait avec elle, dans tout le cours de son expédition, un commissaire du gouvernement chargé de pleins pouvoirs pour négocier.

Mais les Mexicains ont refusé toutes les propositions ; ils ont mieux aimé courir la chance de la guerre, et laisser l’armée américaine s’engager de plus en plus. Un armistice avait été conclu, comme on sait, pour tenter un accommodement. M. Trist, le commissaire américain, fit des propositions dont la substance était que le Mexique céderait aux États-Unis tout le nord de son territoire, depuis le 32e jusqu’au 42e degré de latitude, comprenant la Basse-Californie, le Nouveau-Mexique et Santa-Fé. Les Mexicains, de leur côté, ne consentaient à céder que le territoire entre le 37e et le 42e degré de latitude ; ils gardaient Santa-Fé et la Basse-Californie, mais ils abandonnaient aux Américains l’important district de San-Francesco. Toutefois ce ne fut pas sur ce point que porta principalement la controverse, ce fut sur l’ancienne ligne de démarcation du Texas, qui avait été la cause première de la guerre. Santa-Anna refusait obstinément d’abandonner le territoire insignifiant compris entre le Rio-Bravo et la Nueces ; cela seul prouvait qu’il ne voulait que gagner du temps et n’avait pas l’intention sérieuse de faire la paix. Cela lui eût été, du reste, assez difficile, car, dans les provinces, il s’organisait contre lui des partis qui ne voulaient pas transiger. Les hostilités furent donc reprises, chacun des deux généraux s’accusant mutuellement d’avoir violé l’armistice. Le 13 septembre, les Américains livraient deux sanglantes actions, dans lesquelles ils perdirent beaucoup de monde, et le 16, après un bombardement, le général Scott entra dans Mexico, où il eut à subir pendant plusieurs heures un déluge de coups de feu, de pierres et de projectiles de toute espèce qui pleuvaient des fenêtres et des toits.

Ainsi, voilà les Américains maîtres du Mexique ; maintenant qu’en vont-ils faire ? C’est une capture assez embarrassante. Il faut d’abord qu’ils reçoivent des renforts, car la petite armée du général Scott a été grandement affaiblie dans les derniers combats, et elle est loin, très loin. D’après les dernières nouvelles, elle serait même en danger, et elle pourrait bien être obligée d’aller elle-même au-devant des renforts qu’on lui expédie. Les Américains sont arrivés là un peu à l’aventure, sans s’en douter ; ils ne sont pas en mesure d’y rester. Le plus probable, c’est qu’ils laisseront le Mexique se gouverner comme il voudra, et qu’ils prendront et garderont pour eux le territoire limitrophe qu’ils avaient depuis long-temps convoité. Une autre fois, ils prendront autre chose, et ainsi jusqu’à ce qu’ils aient pris tout.

Si de l’Amérique du Nord nous passons à l’Amérique du Sud, nous y trouverons les deux gouvernemens de France et d’Angleterre continuant à se débattre dans les inextricables embarras de leur malencontreuse intervention dans la Plata. C’est le cas ou jamais de se demander très sérieusement « Qu’allaient-ils faire dans cette galère ? » On doit rendre justice à la haute sagesse qui, en 1840, refusait d’aller risquer les forces, l’argent et la dignité de la France dans cette triste entreprise, et qui ne céda, comme chacun sait, que devant la perspective de la démission du cabinet. Dieu sait que de temps, que de peines et même que de sang ont été dépensés, et inutilement, pour ajuster la querelle de ces pitoyables