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districts toscans réservés à passer sous la domination de Modène ne paraît pas disposée à accepter son sort avec reconnaissance. On le conçoit de reste. Elle a été habituée à vivre sous le régime clément et humain de la Toscane, et elle ne peut que perdre au change. Elle a envoyé au grand-duc une députation pour le supplier de ne pas laisser distraire de ses états un territoire qui lui est tout dévoué. Malheureusement il est difficile de voir ce que pourrait faire le grand-duc en présence des dispositions formelles des traités. Déjà on annonce que des troupes modénaises sont entrées sur le territoire de Fivizzano pour en prendre possession. Il n’y a pas eu, dit-on, de résistance ; mais, en admettant même le droit de souveraineté stipulé par les traités, la population de ces districts aurait au moins, de son côté, le droit de réclamer la conservation des institutions plus libérales dont elle jouissait sous le régime toscan. En cela, elle ne demanderait rien de nouveau, car elle est déjà en possession.

À Turin, il y a eu un changement ministériel. Le roi Charles-Albert a congédié à la fois et M. Solar de la Marguerite et M. de Villamarina. Ces deux ministres représentaient deux influences contraires dans le cabinet, l’une rétrograde, l’autre libérale. Le roi, qui aime la tranquillité, a cru devoir se séparer des deux. C’est la fable de l’huître et des plaideurs. Le roi a renvoyé les parties dos à dos, et il est resté le maître de la place. Les ministres nouveaux qu’il s’est donnés ne représentent rien, ni en bien ni en mal. Le résultat le plus clair de ce changement, c’est qu’il y a un temps d’arrêt dans le mouvement. Le roi Charles-Albert cherche maintenant à faire diversion aux besoins politiques par quelques réformes administratives. Ainsi la cour de cassation est adoptée ; le code de procédure criminelle va être promulgué avec la consécration du principe de la publicité des débats, et on s’occupe de l’organisation communale. Quant aux réformes politiques proprement dites, elles sont indéfiniment ajournées.

Lord Minto doit être en ce moment à Rome. Il y a été annoncé comme futur ambassadeur de la Grande-Bretagne, mais nous doutons encore qu’il soit de si tôt revêtu de son nouveau titre. Le pape Pie IX vient de sanctionner une résolution qui ne peut manquer de lui aliéner les sympathies de l’Angleterre. La congrégation de la propagande a mis à l’index les collèges fondés en Irlande par le gouvernement anglais. Ces collèges, créés sous le ministère de sir Robert Peel, ont été fondés sur la base du système d’enseignement mixte, c’est-à-dire que l’instruction séculière y sera seule donnée sans distinction de religions ou de sectes. C’est, en un mot, le système d’enseignement laïque tel qu’il existe en France. Ces collèges ne sont pas encore en exercice ; les professeurs sont nommés, mais la loi votée par le parlement ne sera mise en activité que dans un ou deux ans. Le système d’enseignement mixte a été, dans le corps épiscopal d’Irlande, l’objet d’une scission : plusieurs évêques s’y sont ralliés, la majorité l’a condamné, et les nouveaux collèges ont été stigmatisés par elle comme athées. La propagande et le pape viennent de donner raison aux évêques dissidens, ils ont mis en interdit les collèges de l’état. Il est probable que le gouvernement anglais continuera néanmoins à les ouvrir à tous ceux qui voudront y venir ; mais ce dissentiment ne peut manquer de jeter quelque embarras dans les relations qu’il voulait établir avec le siége de Rome.

La situation intérieure continue à être très calme. L’intérêt du monde poli-