couvait peut-être encore au sein des ames, elle n’est pas près d’en sortir, et c’est assurément la dernière que le monde verra cesser ; mais il y avait trêve, oubli d’un moment, comme dans toutes les guerres éternelles. Il n’était plus question de savoir sous quelle formule on définirait le Christ ; les bourgmestres rationalistes interrompaient l’étude de la dogmatique, qui, pendant un temps, avait fait leur joie ; le piétisme, refoulé plutôt que vaincu, se retirait à l’arrière-garde, et la bataille s’engageait avec d’autres armes entre d’autres ennemis. Venaient maintenant les avocats et les jurisconsultes, qui, le texte à la main, comparaient froidement les ordonnances de 1820 et de 1823 aux ordonnances de février 1847 ; venaient les enthousiastes, courtisans ou doctrinaires, qui se pâmaient d’aise devant l’œuvre royale ; venaient ceux qui trouvaient la munificence trop mesquine et ceux qui la trouvaient trop grandiose, ceux qui aimaient la liberté selon cette mode-ci ou selon cette mode-là, et ceux enfin qui ne l’aimaient pas du tout. Fallait-il accepter ? fallait-il refuser ce bienfait d’une constitution qui paraissait aux uns si magnifique, aux autres si suspecte ? Accepter ou refuser, c’était là le titre de l’évangile du jour, du livre de M. Henri Simon, et la plupart, on doit l’avouer, s’écriaient avec l’auteur : « Nous t’avions demandé du pain, tu nous donnes une pierre. »
Comment nous transporter dans un mouvement d’idées si spécial, nous qui ne voulons jamais entendre ce qui n’est pas à notre guise ? Comment traduire de ce côté-ci du Rhin ces systèmes où rien n’est simple, ces passions qui ne sont jamais pressées ? Il était plus facile encore de se représenter la lutte religieuse : celle-là, du moins, est à peu près la même dans toute l’Europe ; il n’y a que les noms qui varient, le fond ne change pas. Dites que les lois de la pure raison ne sont que chimères impuissantes, « que l’homme n’est pas suffisamment tenu par les maximes humaines, » et qu’il faut à la société l’appui d’un dogme miraculeux : vous parlerez comme M. Eichhorn, le ministre de l’instruction publique en Prusse ; mais, à Paris même, les échos intelligens et fidèles ne vous manqueront pas, vous serez compris à demi mot. Le ton de Paris est là-dessus le ton de Berlin ; hypocrites ou sincères, nous avons aussi nos piétistes.
Allons-nous, au contraire, pénétrer dans le débat politique, aussitôt les analogies nous font défaut ou nous égarent ; les grandes lignes par où chemine habituellement l’histoire se compliquent là de tant d’accidens, qu’on craint toujours de les perdre : ceux même qui les suivent mettent leur amour-propre à n’avoir point l’air de marcher sur une route frayée. Leur pays, à les en croire, serait presque une terre d’autochthones, et le plus haut honneur qu’ils désirent pour leur république, c’est qu’elle paraisse avant tout originale et primesautière. Les Romains envoyèrent étudier les lois d’Athènes, Platon alla chercher