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dans le cas où un ordre pareil serait expédié, il ne devienne exécutoire qu’après avoir été représenté au roi lui-même et de nouveau confirmé[1]. » Ainsi, l’on feint que le roi ne peut vouloir aucun acte illégal, et c’est à lui qu’on en appelle des décrets surpris par ses ministres.

En général, les réponses de la couronne sont courtes et précises : Je le tiens pour bon[2] et l’ordonne, telle est la formule le plus souvent reproduite. Si le roi oppose un refus aux demandes des cortès, il faut reconnaître que c’est presque toujours à bon droit, et pour repousser des prétentions injustes ou exorbitantes. En ce qui concerne les Maures et les Juifs, par exemple, il refuse avec raison de sanctionner les lois d’exception qu’on réclame contre eux[3], et lorsqu’il rejette les instances du clergé pour rentrer en possession des revenus dont la couronne s’est emparée à son préjudice, c’est en invoquant les nécessités du trésor et les lois librement votées dans les cortès assemblées sous le règne précédent[4]. Quant aux promesses royales pour l’observation de la justice, la diminution des impôts, le respect de toutes les libertés, elles sont nombreuses et explicites, telles, en un mot, qu’on peut les attendre d’un prince qui vient de monter sur le trône. La suite de cette histoire montrera comment ces promesses magnifiques furent gardées.


VI.

GOUVERNEMENT D'ALBUQUERQUE. – TRAITE AVEC L’ARAGON. – REBELLION D’ALONSO CORONEL. — 1352-1353.


I.

La session des cortès se prolongea jusqu’au printemps de l’année 1352. Vers la fin de mars, le roi quitta Valladolid pour se rapprocher de la frontière de Portugal. Son grand-père, Alphonse IV, père de la reine Marie, lui avait demandé une entrevue. Elle eut lieu à Ciudad Rodrigo, avec de grandes démonstrations de tendresse de part et d’autre. Le roi de Portugal ayant prié son petit-fils de pardonner au comte de Trastamare, alors réfugié dans ses états, don Pèdre s’empressa d’y consentir, soit que, surpris en quelque sorte par une requête imprévue, il n’eût pas le temps de consulter sa mère ou son ministre, soit que, flatté par une sollicitation auguste, il saisît avec joie l’occasion de faire un acte d’autorité.

  1. Cortès de Vall., art. 16. Voici la réponse du roi : « Si j’envoie de tels ordres, les officiers que j’envoie devront arrêter ceux que je désigne, mais non les tuer ni les torturer ; ils m’en donneront avis sur-le-champ, pour que j’en décide suivant ma merci. »
  2. A esto respondo que lo tengo por bien e mando que se guarde.
  3. Ibid., art. 64, 65, 66, 68, 75, 76.
  4. Ibid., Ord. de prelados, art. 1, 5, 19.