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confiance ; il était destiné à faire de cruelles expériences avant de perdre ses jeunes illusions.

Au milieu des préparatifs de guerre auxquels il se livrait avec une activité sans égale, il apprit que doña Maria de Padilla venait de le rendre père pour la seconde fois. Sans doute les deux amans étaient réconciliés, depuis que doña Juana était délaissée comme Blanche de Bourbon. Le roi donna à sa fille le nom significatif de Constance. Il me semble y voir une promesse faite à Marie de Padilla. Il la tint plus fidèlement que les sermens prêtés devant les autels.

Les confédérés ne lui laissèrent pas le temps de célébrer par des fêtes la naissance de sa fille. Don Fadrique se mit le premier en campagne. Partant de la ville d’Alburquerque, il entra en Castille et se présenta successivement devant plusieurs châteaux appartenant à l’ordre de Saint-Jacques, que les commandeurs ne firent aucune difficulté de lui livrer. Un seul, Pero Ruiz de Sandoval, gouverneur de Montiel, voulut concilier l’obéissance due à son grand-maître avec le serment que naguère il avait prêté entre les mains du roi. On se rappelle que les chevaliers de Saint-Jacques, réunis à Llerena, deux ans auparavant avaient fait hommage au roi de leurs châteaux, et juré de n’y recevoir le maître de leur ordre qu’avec sa permission. Lorsque don Fadrique parut devant Montiel avec la bannière de Saint-Jacques, Sandoval remit aussitôt le commandement de la place à un écuyer laïque, après avoir pris son serment de la défendre et de ne la remettre qu’au roi lui-même. Pour lui, sortant du château avec ses chevaliers, il vint offrir son corps à don Fadrique, prêt à lui obéir en tout comme au chef de son ordre. Alors cette distinction subtile entre le religieux militaire et le gouverneur d’une forteresse devant hommage au roi, parut le plus beau trait de l’honneur chevaleresque, et devint un de ces précédens ou fazañas, qui faisaient autorité pour l’avenir parmi ceux qui ambitionnaient le renom de prud’hommes[1]. Malheureusement pour don Pèdre, les scrupules de Sandoval ne trouvèrent pas d’imitateurs, et le serment de Llerena ne retint dans le devoir aucun autre des commandeurs de Saint-Jacques.

Cependant le roi, à la tête de quelques troupes ramassées à la hâte, guerroyait sur les domaines d’Alburquerque. D’abord il essaya de surprendre Montealègre, place importante où don Henri et don Juan Alonso avaient renfermé leurs femmes et leur caisse militaire ; mais la ville était bien défendue, et après quelques escarmouches aux barrières don Pèdre fut contraint de s’éloigner pour chercher des conquêtes plus faciles. Il s’empara successivement de plusieurs châteaux ou maisons fortifiées dont la plupart se rendirent sans opposer de résistance sérieuse.

  1. Ayala, p. 131.