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Page:Revue des Deux Mondes - 1848 - tome 21.djvu/1023

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avec une religieuse pour parer les images des saints, renouveler les fleurs devant les oratoires et ranger une collection de ces petits ouvrages bénits qu’il était d’usage d’offrir en cadeau aux personnes séculières qui venaient visiter les dames du Saint-Sacrement. Une sœur converse avait déposé au milieu du parloir une brassée de reines-marguerites, de roses trémières et de pieds d’alouette, et Alice, agenouillée devant ce monceau de fleurs, en formait de gigantesques bouquets.

— Mon doux Jésus! on sonne là dehors! dit la vieille religieuse en relevant la tête, avez-vous-entendu, ma chère fille ?

— Oui, ma très chère mère, répondit Alice sans se déranger ; mais je ne pense pas que l’on demande l’entrée du parloir.

Comme elle achevait ces mots, deux étrangers parurent à la porte.

La vénérable mère baissa aussitôt son voile et se plaça à la hâte devant Mlle de Champguérin, laquelle se releva toute confuse, en éparpillant les fleurs qu’elle avait dans les mains, et se retira précipitamment.

Un moment après, la mère Saint-Anastase entra dans le parloir sans savoir quelles étaient les personnes qui l’avaient fait demander. A l’aspect des deux étrangers, elle leva les mains au ciel et s’écria avec un transport de joie : — Antonin mon cher Antonin !...

— Oh! ma bonne Clémentine, me voici enfin… hélas! après une trop longue absence!... Il n’acheva pas et baisa, en les mouillant de ses larmes les mains qu’elle lui tendait à travers la grille ; son cœur se brisait à la vue de cet habit de bure, de ce sombre voile sous lequel il retrouvait la compagne de son enfance, la belle jeune fille qu’il nommait jadis son amie et sa sœur. Tous deux restèrent un moment debout, se serrant les mains en se regardant avec des larmes muettes ; puis Antonin dit en souriant : — Si j’osais adresser un compliment frivole à Mme la prieure du Saint-Sacrement, je l’assurerais qu’elle a encore sous le voile noir tous les traits de cette belle personne qui m’appelait jadis son petit cousin.

Elle secoua la tête d’un air mélancolique et dit en le considérant :

— Moi, je vous trouve changé, au contraire mon cher Antonin ; mais cela vous sied fort.

— Le baron de Barjavel n’était plus en effet l’adolescent aux traits délicats, frais et blanc comme une jeune fille ; sa taille avait pris d’autres proportions et son visage, bruni par le soleil, était d’une beauté virile.

— Ma chère Clémentine, reprit-il en se souvenant qu’il n’était pas venu tout seul au parloir, voici le fidèle compagnon de mes ourses à travers le monde qui brûle de vous saluer.

L’abbé Gilette s’avança alors pour faire ses complimens. Le digne homme n’était pas rajeuni comme le prétendait le baron dans toutes s’lettres ; mais sa figure couronnée de cheveux blancs annonçait une saine et robuste vieillesse. La mère Saint-Anastase se rappela tout à