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Page:Revue des Deux Mondes - 1848 - tome 21.djvu/1034

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original de cette renaissance du IXe siècle provoquée par Pépin et Charlemagne.

Dans les manuscrits allemands, surtout dans ceux de la basse Allemagne, l’originalité n’est plus la même, et l’influence byzantine est plus accusée. Les ornemens et les détails n’offrent plus cette finesse et cette pureté des manuscrits français ; les majuscules sont surchargées d’entrelacs bizarres ; l’encadrement des marges est lourd et sans goût ; le coloris est fade et faux ; les personnages sont grotesques ou affectent un calme et une raideur tout-à-fait germaniques. L’art, chez les Bataves, les Ménapiens et toutes ces tribus de même origine, qui peuplèrent la Germanie inférieure et plus tard les Flandres, est postérieur à la civilisation romaine. Lors de la conquête de ces contrées par les Romains, les tribus qui les habitaient vivaient dans la barbarie la plus complète. L’Indien du Missouri ou des montagnes Rocheuses, qui peint grossièrement ses combats et ses chasses sur des peaux d’ours et de bisons, est plus avancé dans les arts du dessin que ne l’étaient ces peuplades germaniques.

La conquête romaine modifia peu ces mœurs sauvages. Le christianisme, qui mit quatre siècles à s’établir entre l’Elbe et le Rhin, apporta aux habitans de ces contrées les premières notions de l’art. Il est prouvé maintenant que, dès VIIIe siècle, la peinture était cultivée dans les monastères des Flandres par les moines et par les nonnes[1]. Les longs séjours de Charlemagne dans l’Austrasie et le choix qu’il fit de la ville d’Aix-la-Chapelle, située sur la frontière des Flandres, pour la capitale de son vaste empire, développèrent le goût des arts dans ces contrées. La renaissance carlovingienne, qui, pour l’art de la peinture, ne dura guère qu’un siècle, mais qui, pour l’architecture, se continua d’une manière si splendide du IXe au XIIIe siècle, cette première renaissance dut s’étendre jusque dans les Flandres. Le missel de l’abbaye de Stavelot dans le pays de Liège, les évangiles de l’abbaye de Saint-Laurent à Liège, manuscrits des IXe et Xe siècles, le manuscrit de l’abbaye de Saint-Bertin, dont les peintures retracent la vie de saint Wandrille, sont les premières productions que l’on connaisse de l’ancien art flamand. Les peintures dont ces livres sont ornés ne peuvent soutenir la comparaison avec les peintures des manuscrits français du VIIe siècle, ni même avec celles des manuscrits des époques correspondantes, telles que la Bible de l’abbaye de Saint-Martial de Limoges, la Bible dite du maréchal de Noailles et le Sacramentaire de saint Grégoire-le-Grand, exécutés aussi au Xe siècle. On y trouve les mêmes bordures losangées et quadrillées avec fleurs et entrelacs ; les couleurs y sont appliquées par teintes lavées et sans empâtemens,

  1. Acta sanctorum ordinis sancti Benedicti, t. III, p. 609.