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à l’égard des maîtres de Saint-Jacques et de Calatrava. Un article particulier portait que la question du droit de nomination aux commanderies aragonaises demeurait réservée pour être résolue plus tard par un jugement du saint-père. Je ne trouve pas de clause analogue en ce qui concerne les domaines de don Fernand et du comte de Trastamare en Castille ; cependant le légat se proposait de statuer à cet égard ; mais, connaissant l’irritabilité de don Pèdre sur ce sujet, il paraît avoir prudemment évité de marquer clairement ses intentions. De part et d’autre, on s’obligea de restituer les villes prises et de rendre sans rançon les prisonniers de guerre détenus dans les deux royaumes[1]. Quant aux rançons déjà payées, elles devaient être remboursées. Cette dernière clause est fort remarquable comme acte d’autorité souveraine contre les droits et les usages féodaux. Les deux rois prétendaient ainsi disposer, et probablement sans indemnité, d’une propriété acquise par leurs vassaux. Aussi, de tous les articles de ce traité, celui-là paraît avoir soulevé les plus nombreuses difficultés. On doit observer, en outre, qu’il était au fond tout à l’avantage de l’Aragonais, qui regagnait un territoire très considérable et de bonnes forteresses, tandis que le roi de Castille ne recouvrait que des châteaux sans importance, si toutefois il en avait perdu quelques-uns.

Au traité de paix devait être annexée une amnistie publiée par les deux rois au bénéfice de leurs sujets qui auraient porté les armes contre eux dans la dernière guerre. Ici encore il n’y avait aucune parité dans la situation des deux princes, car don Pèdre n’avait qu’un fort petit nombre d’Aragonais à son service, tandis que Pierre IV soudoyait toute une armée de bannis castillans. Au reste, chacun fit encore ses réserves, peut-être en dépit du légat. Le roi d’Aragon exclut de l’amnistie quelques exilés compromis autrefois dans les troubles de l’Union. Don Pègre excepta onze personnes expressément désignées. En tête de la liste figurent l’infant et don Henri ; puis Pero et Gomez Carrillo de Quintana[2], depuis long-temps ses adversaires déclarés, et tout récemment impliqués dans la conjuration réelle ou prétendue de Gutier Fernandez. Viennent ensuite Gonzalez Lucio, le gouverneur de Tarazona, qui avait vendu cette place au roi d’Aragon ; Lopez de Padilla, ancien chef des arbalétriers de la garde, qu’on s’étonne de voir parmi les émigrés après la part qu’il avait prise au meurtre de don Fadrique ; Suer Perez de Quinones, Diego Perez Sarmiento, Pero Ruiz de Sandoval, tous serviteurs

  1. Le traité ne prévoit pas le cas où les prisonniers auraient été vendus en pays étranger. On vendait aux chrétiens les captifs maures, et souvent, quoique cela fût expressément défendu par les canons de l’église (notamment par le concile de Valladolid en 1322) ; les chrétiens ne se faisaient pas scrupule de vendre leurs coreligionnaires aux musulmans. Voyez Capmany, Comercio de Barcelona, deuxième partie, p. 225.
  2. Cousin de Gomez Carrillo, décapité l’année précédente.